La guerre au Soudan opposant deux factions de l’armée tend à impliquer d’autres segments de la société. L’embargo total sur les armes et les flux financiers restent la solution pour mettre fin au conflit.
Depuis quinze mois que la guerre entre les Sudanese Armed Forces (SAF), conduites par Al-Buhran, et les Rapid Support Forces (RSF) [ou Forces de soutien rapide,] dirigées par Hemedti, dure, le rapport de force évolue peu.
Un conflit qui perdure
La raison est que les deux camps sont à peu près équivalents militairement. Les SAF bénéficient d’une aviation mais qui est peu utile dans les combats de villes, même si elles n’hésitent pas à bombarder indistinctement militaires et civilEs. Du côté des RSF, les troupes sont plus mobiles et plus entrainées du fait de leur participation à la guerre du Yémen contre les Houthis.
Les RSF ont réussi à contrôler une grande partie de la capitale Khartoum mais ont perdu, après des combats acharnés, la ville jumelle Omdourman. Hemedti contrôle également l’essentiel des régions du Darfour à l’exception de la grande ville d’El Fasher qui est toujours assiégée par les RSF.
Par sa durée et sa violence, cette guerre est en train de se métamorphoser progressivement en guerre civile notamment au Darfour. Les RSF alliées à d’autres milices tribales ont entrepris des massacres à grande échelle contre les populations non arabes, essentiellement les Massalit et les Zaghawa. La prise de la ville d’El-Geneina a été l’occasion pour les miliciens d’opérer un véritable nettoyage ethnique. Certains observateurs parlent d’entreprise génocidaire. Face à cette situation, certains groupes armés qui avaient observé une neutralité ont décidé de rejoindre les SAF, c’est le cas par exemple du Sudan Liberation Movement/Army (SLM-A), du Justice and Equality Movement (JEM) et d’une fraction du SLM- Transitional Council.
Une situation humanitaire catastrophique
Cette guerre est en train de ravager le pays en détruisant les infrastructures et en empêchant les activités agricoles. Les conséquences se font sentir : 43 % de la population est en insécurité alimentaire.
Les déplacéEs sont plus de 10 millions, certainEs sont restéEs au Soudan et parfois pris au piège de la guerre comme à El-Geneina. D’autres se sont réfugiéEs au Tchad ou dans les camps de Komar et Olala en Ethiopie dans des conditions difficiles1.
Ceux qui sont restés dans les zones de conflit tentent de survivre grâce notamment aux salles d’urgence mises en place par les militantEs des comités de résistance. Dans ces lieux, les populations peuvent trouver un peu de nourriture, parfois se faire soigner et avoir des informations sur les quartiers les plus dangereux, selon l’évolution du conflit.
Cette présence militante de solidarité continue de faire vivre l’esprit de la révolution qui a renversé la dictature d’Omar el-Bechir en 2019. Des comités de résistance ignorés voire méprisés par les diplomates occidentaux qui n’ont eu de cesse avant la guerre d’imposer aux forces civiles de négocier avec les militaires fauteurs de guerre.
Imposer la paix
Cette diplomatie semble incapable d’intimer un cessez-le-feu permettant d’acheminer l’aide humanitaire. Pour en finir avec cette guerre, il faut imposer un embargo sur le matériel de guerre et le faire respecter. Car les SAF sont ravitaillées en armes par l’Égypte et les RSF par les États Arabes Unis (EAU). Ces deux pays, dépendant fortement des USA pour leur sécurité, sont signataires de la déclaration de Paris d’avril 2024 dénonçant… les interventions étrangères. Le second moyen est le blocage des flux financiers finançant cette guerre.
Une partie de l’argent promis par les pays participant à la conférence de Paris pour l’aide humanitaire doit bénéficier aux militants et militantes qui animent les salles d’urgence. Car aujourd’hui ce sont les seuls qui sont sur le terrain en ayant la capacité d’offrir une aide aux populations. Enfin les pays européens doivent avoir une politique d’accueil pour les réfugiés soudanais.
Paul Martial