Suite aux manifestations de septembre des ouvrierEs bangladais, le gouvernement a accepté de passer le salaire minimum de 38 $ à 68 $ (soit 5 300 takas) en décembre. Cette augmentation de 70 % a été acceptée par les patrons du textile. Même si cela semble une forte hausse, cette somme ne permet pas de subvenir aux besoins vitaux des travailleurs et travailleuses malgré les heures supplémentaires.
Dès aujourd’hui, des patrons ont diminué les primes pour la nourriture et le transport en « compensation » des augmentations à venir. Ensuite, l’augmentation ne touchera que le salaire minimum et ne concerne donc pas les ouvriers qualifiés qui protestent contre la non-revalorisation de leur salaire. Aussi, les ouvriers continuent à réclamer 8 000 takas, soit 100 $ et les manifestations ont repris.Les ouvriers sont appelés à reprendre le travail par la Premier ministre tandis que la répression s’accentue. La semaine dernière, les affrontements avec la police ont fait deux morts et plus de cent blessés lors des manifestations. Des leaders syndicaux, dont certains proches du Parti communiste, sont arrêtés pour incitation à la violence. Des pressions et des menaces de mort sont dirigées contre Moshrefa Mishu, dirigeante du syndicat Garnment Workers Unity Forum. Fin 2010, cette ouvrière avait déjà été emprisonnée pendant cinq mois suite à la vague de manifestations qui demandaient des augmentations de salaires.
Sous le joug des multinationalesD’un point de vue capitaliste, le Bangladesh est un pays attractif pour les donneurs d’ordre européens et américains qui y trouvent une main-d’œuvre bon marché. Même après augmentation, le salaire minimum reste en dessous des pays asiatiques où les salaires sont les plus bas (80 $ au Cambodge, 73 $ au Sri Lanka, 78 $ au Vietnam). Ces multinationales de la distribution textile subissent des pressions pour améliorer leur image, après l’effondrement de l’usine du Rana Plaza en avril 2013 qui a fait plus de 1 000 morts, et l’incendie dans une usine textile de la banlieue de Dhaka en octobre qui a fait sept morts. Pourtant, si des négociations ont lieu pour indemniser les familles des 112 morts de l’incendie de la fabrique de Tazreen fin 2012, toutes les marques impliquées n’ont pas accepté de donner une compensation et rien n’est fait pour les victimes blessées physiquement ou psychologiquement, et qui ne peuvent reprendre le travail. Quant à la sécurité des bâtiments en termes de construction et d’incendie, deux accords ont été signés, l’un avec des compagnies nord-américaines, l’autre avec des revendeurs européens. Ce sont donc 5 000 usines textiles qui doivent être inspectées. 400 ateliers ont déjà fermé depuis septembre, car pas aux normes. Mais si les inspections ont commencé, elles sont compromises par la corruption liée à l’importance du secteur textile pour les ressources du pays et les faibles moyens du gouvernement.Tout cela se déroule dans un contexte politique compliqué marqué par les élections législatives qui auront lieu fin janvier 2014. La Premier ministre, Sheikh Hasina, de la Ligue Awani, a appelé à un gouvernement intérimaire multipartis pour préparer les élections. Tandis que l’opposition, à l’appel du Bangladesh Nationalist Party (BNP), a lancé une campagne pour sa démission en menaçant de bloquer le pays. Des grèves ont déjà paralysé les transports publics pendant plusieurs jours.
Christine Schneider