Publié le Mercredi 18 décembre 2019 à 11h36.

À voir : Made in Bangladesh, de Rubaiyat Hossain

Film bangladais, français, danois, portugais, 1 h 34, sorti le 4 décembre 2019.  

« Made in Bangladesh » : on voit cette étiquette sur beaucoup de vêtements. L’industrie textile au Bangladesh travaille essentiellement pour l’exportation et emploie 4 millions de salariéEs, dont environ 9 sur 10 sont des femmes. La réalisatrice Rubaiyat Hossain dépeint le combat de Shimu, ouvrière du textile à Dacca (le scénario est librement inspiré de la vie d’une ouvrière, Daliya Akter). 

Création d’un syndicat

Avec plusieurs dizaines de femmes, Shimu travaille dans un des nombreux ateliers de Dacca. L’équipement est vétuste. À la suite d’un début d’incendie qui provoque la fuite éperdue des ouvrières et la mort de l’une d’entre elles, Shimu rencontre la responsable d’une ONG et entreprend de créer un syndicat. Pour cela, il lui faut recueillir les signatures d’un tiers de ses collègues. Elle va s’y atteler malgré les réticences ou les peurs de certaines d’entre elles. Pour ces femmes, il est en effet impossible de risquer de perdre leur travail : tout exploitées qu’elles soient, travailler dans le textile leur a permis de quitter les villages et d’échapper au risque d’un mariage forcé et fournit aussi un salaire qui assure la vie quotidienne, surtout quand le mari est au chômage.

Dans son combat, Shimu se heurte non seulement au contremaitre et au « manager », mais aussi à son mari qui, une fois qu’il a retrouvé un travail, préférerait qu’elle reste à la maison et lui demande de se voiler. Face à elle, il y a également le ministère du Travail, qui doit agréer le syndicat et s’avère être un univers de bureaucrates ensevelis dans des monceaux de papiers et trouillards face aux pressions patronales. Parmi les grands moments du film, il y a cette visite de clients européens ou américains qui observent les ateliers, font semblant de s’inquiéter des conditions de travail tout en expliquant au « manager » qu’il doit baisser ses coûts.

Il y a dans le film une vraie description du Dacca des classes populaires. De même, la réalisatrice n’élude pas la complexité d’une situation où le travail des femmes signifie à la fois exploitation et émancipation potentielle.

Henri Wilno