Publié le Jeudi 20 avril 2023 à 10h00.

Belgique : « 24 ans, Vottem, je ne l’accepte toujours pas » !

Le dimanche 16 avril, le CRACPE (Collectif de résistance aux centres pour étrangers) organise la manifestation annuelle contre le centre fermé pour étrangers de Vottem (Liège). La Gauche anticapitaliste a interviewé notre camarade France Arets, active dans le CRACPE et le Collectif liégeois de soutien aux sans-papiers.

Début mars, le gouvernement « Vivaldi » (MR-VLD, PS-VOORUIT, ECOLO-GROEN et CDNV) a marqué son accord sur une série de mesures en matière d’asile pour tenter de résoudre la « crise migratoire ». Que penses-tu de cet accord ?

Tout d’abord, je voudrais dire qu’il n’y a pas de crise migratoire. Il y a plutôt une crise de l’accueil des personnes étrangères.

Le dernier accord gouvernemental « Vivaldi » sur la migration, adopté en ce mois de mars 2023, est extrêmement décevant ! Malgré la création de places dans de nouveaux centres ouverts pour demandeurEs d’asile (petit à petit, jusque y compris 2024 !) et la protection de certaines catégories (les enfants, les femmes victimes de violences, les apatrides...), il est surtout prévu d’augmenter le nombre de détentions en centres fermés. Mais aussi de multiplier les « coachs de retour » pour favoriser les retours dits « volontaires ». Somme toute, il s’agit d’accroître fortement le nombre d’expulsions.

Y aurait-il une volonté délibérée du gouvernement de laisser pourrir la situation, de noircir le tableau pour monter la population contre cette migration « incontrôlable » ?

On ne peut accepter un État qui ne respecte ni les droits humains ni les conventions internationales. L’État ne respecte même pas la loi. Faut-il rappeler que les demandeurEs d’asile ont droit à un hébergement en attendant le traitement de leur dossier, et ce, dès l’introduction de leur demande ?

Résultat, des personnes demandeuses d’asile abandonnées n’ont d’autre choix que l’occupation illégale de bâtiments insalubres, ou des tentes au bord du canal à Bruxelles ou ailleurs. Plusieurs droits fondamentaux sont régulièrement violés, au mépris de toutes les conventions internationales. Malgré plus de 8 000 condamnations judiciaires de Fedasil, la situation reste inchangée. L’État ne paie même pas ses astreintes. On tente d’effrayer la population en faisant croire à un afflux de réfugiéEs, ce qui n’est pas le cas. S’il manque des places, c’est parce que depuis l’accueil des SyrienEs en 2015-2016, la capacité d’accueil a été volontairement réduite d’abord par la secrétaire d’État à la migration, Maggie De Block, puis par ceux qui lui ont succédé, Théo Francken, Sammy Mahdi.

[...]

Revenons-en aux centres fermés pour étrangers : le premier objectif de la manifestation est d’exiger leur suppression.

Il y a de quoi être révoltéEs ! Les centres fermés sont pires que des prisons. Les personnes qui y sont enfermées ne sont pas détenues pour avoir commis un délit ! Elles n’ont pas été jugées, ne sont passées devant aucune instance judiciaire. La durée du séjour est, dans la plupart des cas, limitée à 5 mois par la loi. Cependant elle peut être beaucoup plus longue, puisque dès que l’on refuse une expulsion le compteur est remis à zéro. Ce sont des lieux de non-droit !

L’objectif de ces centres est de mettre en œuvre l’expulsion, et tous les moyens sont bons pour briser la résistance des personnes détenues. Et, si elles tiennent le coup, la résistance sera définitivement brisée au moment de l’expulsion : menottées, entourées d’une sangle, avec la technique du saucissonnage, insultées, battues.

À Vottem, il existe aussi « l’aile spéciale » pour les personnes dites « ingérables ». Elles sont dans une solitude intégrale, y compris lors de la sortie au préau. De quoi devenir fou !

Je voudrais rappeler, qu’ il y eu cinq décès au centre fermé de Vottem : trois suicides pour échapper à l’expulsion, impossible à vivre, et deux morts en cellule d’isolement, faute de soins appropriés et forcément personne pour entendre l’appel au secours.

Voilà des raisons plus que suffisantes pour être en plus grand nombre possible, pour marcher ensemble jusqu’à Vottem, camp de la honte !