Nous reproduisons ci-dessous l’appel lancé jeudi 26 novembre signé par de nombreux militantEs politiques, syndicaux, du mouvement social, etc.
Ces derniers jours la peur a envahi les rues. La peur après le choc des attentats, bien sûr, mais aussi la peur devant les mesures inouïes prises depuis le 13 novembre. Bruxelles, région-capitale du pays, a été mise en état de siège de fait, tandis que le reste du pays s’est retrouvé dans un état d’urgence de fait.
On ne peut s’empêcher de remettre en question l’efficacité de ces mesures, et d’en soulever les contradictions : les écoles, le métro, ont été fermés ; une quantité incroyable d’événements culturels, mais aussi politiques, ont été annulés ou interdits et des camions blindés ainsi que des centaines de soldats ont pris possession des rues.
À côté de ça, il faudrait rester calme, mais la centrale nucléaire de Tihange par exemple est restée sans protection. De même, le fameux niveau 4, supposé justifier ces mesures extrêmes, a été maintenu alors que progressivement les écoles, le métro, etc. rouvraient leur portes. Quelle cohérence dans tout ça ? Quel contrôle démocratique sur ces décisions ?
La pauvreté aussi tue
En quelques jours, le gouvernement Michel a trouvé 400 millions pour le virage sécuritaire et promet des mesures d’état de choc (perquisitions de nuit, détention administrative de 3 jours, prison automatique pour les jeunes de retour de Syrie, etc.). L’argent qui n’existait pas pour les services publics et les pauvres apparaît comme par magie. C’est un choix désastreux. Avec ces 400 millions d’euros, on pourrait, entre autres, augmenter de 50 % le revenu d’intégration sociale versé à 100 000 personnes par les CPAS.
Démocratie piétinée
Les conséquences de cet état d’exception ne se sont pas fait attendre. Les bavures se multiplient contre des présumés coupables, l’un étudiant à Anvers mis à terre au Quick avec deux fusils pointés sur sa tête, l’autre dans la très stigmatisée Molenbeek, un troisième qui voit la police débarquer chez lui en brisant portes et fenêtres à 5 heures du matin…
La peur gagne les quartiers populaires avec une forte présence musulmane. Nous voyons comment des bourgmestres, y compris du PS ou SP.a, tirent prétexte de l’alerte antiterroriste pour interdire de nombreuses manifestations ou débats publics, à Saint-Gilles sur la Syrie, à Molenbeek pour la solidarité et contre les divisions, à Bruxelles-ville et Ostende pour la justice climatique. Même la livraison de repas chauds aux sans-abris dans les gares est interdite ! Pendant ce temps, l’ensemble des mouvements sociaux, syndicats en tête, sont priés d’obtempérer par le ministre de l’Intérieur N-VA, Jan Jambon, et le MR dépose une proposition de loi visant à interdire les piquets de grève.
Résistance !
Nous refusons de continuer à laisser la peur nous diriger. Nous refusons l’État autoritaire qui est en train d’être mis en place sous nos yeux. Nous refusons que des organes non élus comme l’OCAM et le Conseil de sécurité national (Nationale Veiligheidsraad) dirigent le pays. Nous voulons que toute la clarté soit faite, y compris par une commission parlementaire d’enquête, sur la façon dont un climat de peur a pu être créé délibérément. Nous refusons aussi une guerre qu’on prétend commettre en notre nom, et qui ne fera qu’ajouter des morts aux morts, de la barbarie à la barbarie.
Nous appelons l’opposition sociale et politique à ce gouvernement à marcher dans les rues et à montrer que non, nous n’arrêterons pas de vivre et de lutter pour un monde meilleur, et que nous n’accepterons pas d’être bâillonnés et réprimés « pour notre sécurité ».
Nos meilleures armes pour résister sont la solidarité et l’auto-organisation, pour décider de nos vies, de ce qui est bon pour notre sécurité, pour la planète. Avec nos amiEs en France et dans d’autres pays comme l’Espagne qui refusent l’autoritarisme, la guerre, le racisme et les interdictions de manifester, à l’instar du front commun syndical du Hainaut qui a maintenu sa grève le 23 novembre, nous appelons la population à ouvrir les yeux et à désobéir. L’histoire n’a jamais été faite par ceux qui demandent la permission.
Nous refusons de continuer à laisser la peur nous diriger. Nous abominons le terrorisme de Daesh, mais nous lutterons contre la politique sécuritaire et liberticide que nos gouvernements veulent imposer au nom de la lutte contre les terroristes, et qui fait le jeu de ceux-ci.