Publié le Mercredi 28 juillet 2021 à 18h01.

Belgique: fin de la grève des sans-papiers, mais la lutte continue

Mercredi 21 juillet, Tarik, l’un des porte-paroles de l’Union des sans-papiers pour la régularisation (USPR) l’a annoncé : « On arrête la grève de la soif aujourd’hui et on suspend la grève de la faim pour le moment ». Cette grève de la faim avait commencé le 23 mai et, le 16 juillet, plusieurs centaines de sans-papiers avaient entamé une grève de la soif suite au refus du gouvernement d’entendre les revendications du collectif.

C’est après avoir organisé plusieurs mobilisations, tenté d’occuper de nouveaux lieux (qui n’ont pas toujours été une réussite), rencontré en personne Sammy Mahdi (secrétaire d’État à l’Asile et à la migration), subi la répression policière à plusieurs reprises… que l’USPR, ne voyant aucune avancée, a décidé d’­entamer une grève de la faim.

Un gouvernement prêt à assumer des morts

Leurs revendications étaient une régularisation immédiate pour le collectif qui mettait sa vie en danger mais également pour des changements structurels qui bénéficient à toutes les personnes sans-papiers en Belgique. Notamment avec une proposition de critères précis de régularisation afin d’éviter le flou actuel qui permet à l’Office des Étrangers de régulariser « à la tête du client ».

Tout au long de ces deux mois, la réaction du gouvernement dans son ensemble a fait froid dans le dos. Plus les jours passaient, plus nous nous rendions compte que le gouvernement était prêt à assumer la mort de centaines de personnes plutôt que de donner des droits à des personnes habitant le pays depuis 5, 10, 15 ou même 20 ans.

C’est à partir de fin juin, alors que la pression sur Sammy Mahdi s’intensifiait suite à d’autres occupations et des prises de positions publiques d’académiques, d’universitaires, d’associations, que le secrétaire d’État a proposé la création d’une « zone neutre » pour les grévistes. Concrètement il s’agissait d’un lieu dans lequel aucune arrestation n’aurait lieu et qui permettrait aux grévistes de s’y « rendre et avoir une idée de quel est l’état actuel de leur dossier, pour les informer le mieux possible. » Cette zone neutre ne répondait en rien aux revendications du collectif de sans-papiers. La grève a donc continué.

Un médiateur a été nommé par le gouvernement (Dirk Van Den Bulck, Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides) afin de rencontrer les grévistes et quelques soutiens mais il n’a fait que répéter ce que tout le monde savait et n’avait aucun mandat pour négocier.

Quelques jours plus tard, alors que des discussions continuaient, l’arrêt de la grève était annoncée car un « accord » avançait.

Préparer l’après-grève

Nous nous réjouissons que les membres de l’USPR aient refusé de mettre fin à leur vie et que des décès aient été évités. Nous espérons qu’aucunE d’entre elles et eux n’aura de séquelles mais nous craignons que la grève ait duré trop longtemps pour cela.

Nous avons des doutes concernant les réelles avancées obtenues. Alors qu’en coulisses nous apprenons que les grévistes pourront se rendre à la zone neutre afin d’avoir un analyse plus « souple » de leurs dossiers pour l’obtention de la régularisation sur base de l’article 9bis (quand des circonstances exceptionnelles justifient que la demande soit introduite en Belgique) et 9ter (pour des raisons médicales), Sammy Mahdi annonçait dans la presse que rien n’avait changé.

Les grévistes de la faim étaient accusés de faire du chantage par le gouvernement et les partis opposés à la régularisation. Avec l’arrêt de la grève, ils et elles ont également voulu démontrer leur volonté sincère de négocier mais le gouvernement continue de défendre une politique raciste qui force à la clandestinité et permet l’exploitation de dizaines de milliers de travailleurEs par un patronat à la recherche de plus gros profits.

Le mouvement lancé par l’USPR a réussi à mettre en lumière leur condition, à bousculer le gouvernement, à forcer divers organisations à prendre position. Mais notre réjouissance ne peut pas être la même qu’une partie des partis/organisations qui y ont vu une victoire. AucunE gréviste n’est mort, heureusement, mais est-ce que c’est pour ces avancées que les grévistes se sont battus ? Si nous soutenons les sans-papiers nous ne pouvons pas être pleinement satisfaits. Nous devons ensemble continuer dans la dynamique et l’énergie mise en place par l’USPR, pour continuer la lutte et préparer l’après-grève.

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