La Belgique ne fait pas exception à la vague de grèves de ce chaud automne social européen.
La grève générale décidée par les trois organisations syndicales — la FGTB (Fédération générale du travail de Belgique) de tendance socialiste, la CSC (Confédération des syndicats chrétiens) démocrate-chrétienne et la CGSLB (Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique) libérale — est le produit de la rage sociale accumulée et fait suite à de nombreuses mobilisations antérieures. La grève générale du 9 novembre a paralysé le pays et a été un succès complet. La participation a été massive aussi bien dans les secteurs privé que public et, fait notable, les petits commerçantEs et nombre d’indépendantEs se sont joints aux travailleurEs salariés.
Gouvernement sous pression
Le succès de la grève générale met le gouvernement sous pression. Celui-ci, composé de l’alliance hétéroclite de sept partis, est déchiré par sa polarisation entre les libéraux (à droite) et les socialistes et écologistes (au centre-gauche). Alors que les socialistes se disent favorables à la demande syndicale de rendre comme auparavant la norme salariale indicative, les libéraux au contraire subordonnent toute modification de la loi de 19961 à la suppression de l’indexation des salaires.
Les organisations syndicales reconnaissent la nécessité des mesures en faveur des petites et moyennes entreprises incapables de faire face à la hausse des prix de l’énergie. La position de l’organisation patronale (FEB-Fédération des entreprises de Belgique) qui refuse toute négociation salariale en assimilant aux petites et moyennes entreprises en difficulté les entreprises et secteurs qui distribuent des dividendes records aux actionnaires et accumulent des profits considérables est ressentie par les grévistes comme une provocation. Les socialistes, ligotés par leur accord avec les libéraux au gouvernement, ne paraissent pas en mesure d’obtenir l’assouplissement de la loi de 1996 ouvrant la voie à des négociations salariales dans les secteurs prospères. Tout au plus un compromis consistant à distribuer une prime aux salariéEs dans les secteurs enregistrant des profits substantiels paraît au mieux envisageable au sein du gouvernement.
Des salaires, pas des primes
Il est douteux que les travailleurEs, déjà échaudés par les « primes Covid » puissent se satisfaire d’un tel compromis. Les primes et chèques « one shot », largement pratiqués par les gouvernements pour apaiser la colère populaire, ne rassurent guère : salaire au rabais, les primes ne contribuent pas au montant des retraites ni au financement de la sécurité sociale et n’apaisent pas l’inquiétude qui pèse sur l’avenir des travailleurs et travailleuses. Un compromis sur des primes n’aurait pour effet que d’exacerber la colère populaire.
L’indexation automatique des salaires est une conquête qui permet de conserver, même imparfaitement, le pouvoir d’achat des salariéEs. Malgré les attaques incessantes du patronat et de la droite pour y mettre fin, le système résiste en raison de l’attachement indéfectible des travailleurs et travailleuses. Il s’agit là d’un avantage incontestable que les syndicats ont pu défendre en Belgique. En revanche, la loi de 1996 qui subordonne la négociation à la norme salariale conduit à la paralysie des négociations salariales. La grève générale de ce 9 novembre révèle l’ampleur de la crise sociale qui divise le pays. Dans un pays en crise profondément divisé et avec des formations politiques affaiblies et minées de l’intérieur, c’est désormais le social qui prend le dessus sur le « communautaire ».
Version intégrale sur alencontre.org.
- 1. Les organisations syndicales ont dû, en contrepartie du maintien de l’indexation des salaires sur les prix, concéder l’adoption d’une loi (loi de 1996) qui permet de fixer une norme salariale pour « sauvegarder la compétitivité des entreprises » par rapport à la France, l’Allemagne et les Pays-Bas et qui cadenasse de ce fait les augmentations salariales hors index.