Trente ans après, la plus grave catastrophe industrielle de l’histoire continue de faire des victimes. Durant la nuit du 2 décembre 1984, quarante tonnes de gaz blanchâtre se répandent autour de l’usine de pesticides du groupe américain Union Carbide à Bhopal dans le centre de l’Inde, usine située à proximité d’une zone de bidonvilles. Le nombre de morts est estimé à 25 000 personnes. Les cadavres sont ramassés par camions entiers...
En 1989, Union Carbide a accepté une amende – 470 millions de dollars – si légère que le jour du verdict, leurs actions grimpent de 7 % à la Bourse. Sous la pression des victimes, les autorités déposent un recours en décembre 2010 devant la justice indienne, procédure actuellement au point mort.
Union Carbide avait pris l’habitude d’arroser les politiciens et les autorités administratives locales : les autorités ignorent donc des incidents prémonitoires, dont trois fuites de gaz en 1982 et 1983. Depuis, les pratiques n’ont guère changé : Dow Chemical (qui a repris Union Carbide en 2001) refuse toute responsabilité et continue d’agir sur un double registre : pots-de-vin aux fonctionnaires et politiciens indiens, et menaces de ne plus investir en Inde si le dossier n’est pas enterré.
Trente ans plus tard, l’usine abandonnée est restée en l’état. Aucun nettoyage du site n’a été entrepris : les déchets contaminés sont toujours là, et les résidus chimiques continuent de contaminer la nappe phréatique. Ce n’est que l’été dernier que les habitantEs des quartiers entourant le site, ont enfin vu arriver de l’eau potable fournie au robinet par la ville. Ils avaient l’habitude de boire au mieux de l’eau apportée par camions-citernes, au pire l’eau contaminée. De nombreux survivants souffrent de difficultés respiratoires, de troubles de la vue, etc. 570 000 personnes souffriraient d’infirmités et de séquelles variées. Les promesses de soins gratuits ne se sont pas vraiment concrétisées, tandis que les indemnisations ont été dérisoires : les 100 000 roupies (1 300 euros) prévues pour un décès et 25 000 roupies (325 euros) pour les malades n’ont souvent pas été payées, ou alors amputées de prélèvements et pots-de-vin.
Les survivantEs luttent pour leurs droits : ils manifestent et quelques-uns sont même allés récemment jusqu’à une grève de la soif.