Les discussions internationales concernant l’allègement du blocus ont pour effet de transformer un conflit politique en question humanitaire. Les Palestiniens sont un peuple en lutte pour le respect de ses droits. L’attaque sanglante contre la Flottille de la Liberté a remis au cœur de l’actualité la situation des Palestiniens de Gaza. Sous la pression internationale, Israël a récemment annoncé une série de mesures visant à « alléger » le blocus. La liste des produits interdits serait modifiée, les quantités de produits autorisés à entrer seraient augmentées : l’État Israël aurait entendu les critiques et serait prêt à agir pour améliorer la situation des habitants de Gaza. Si le conditionnel est employé ici, c’est parce que quiconque est attentif à l’actualité et à l’histoire du conflit opposant Israël aux Palestiniens sait bien que les promesses de l’État d’Israël n’engagent que ceux qui les croient. Qui plus est, nombre d’ONG et d’agences de l’ONU ont déjà indiqué que les mesures annoncées par Israël étaient en grande partie symboliques et n’allaient nullement dans le sens d’une levée réelle du blocus de la bande de Gaza. Mais l’essentiel n’est sans doute pas là. Les mesures israéliennes et les discussions internationales s’inscrivent dans une rhétorique visant à transformer la tragédie des Palestiniens de Gaza en question strictement humanitaire. Il s’agit de faire comme si l’embargo imposé par Israël ne résultait pas d’une décision politique, ne poursuivait pas des objectifs politiques et n’appelait donc pas une réponse politique. Le blocus de Gaza a commencé à se mettre en place dès 2005, dans la foulée du retrait unilatéral israélien, au cours duquel Israël a démantelé les colonies et les postes militaires établis depuis juin 1967. Il a été largement renforcé début 2006, après la victoire électorale du Hamas. Dov Weisglass, conseiller du Premier ministre Ehud Olmert, déclarait alors : « L’idée est de mettre les Palestiniens à la diète, mais pas de les faire mourir de faim ». S’il s’agit donc bien d’une « punition collective » infligée aux 1,5 million de Gazaouis, le blocus répond à des objectifs politiques : saper les bases de toute vie économique et sociale à Gaza en montrant du doigt le Hamas, afin d’encourager la population à se soulever contre ses dirigeants. À l’été 2007, après la tentative avortée de putsch conduite par une partie du Fatah, Israël déclare Gaza « entité hostile » : le blocus est total. Israël adopte alors des mesures pour améliorer, en apparence, les conditions de vie en Cisjordanie. Les pays donateurs imposent Salam Fayyad, ancien haut fonctionnaire à la Banque mondiale et au FMI, au poste de Premier ministre à Ramallah : les aides internationales reviennent en Cisjordanie. Le message aux Palestiniens est clair : avec des dirigeants dont les exigences politiques sont ridiculement basses, voire nulles, votre vie peut ne pas être un enfer total. Netanyahou a beau jeu, dès lors, de discuter avec Abbas et Fayyad d’un projet de « paix économique ». Les Palestiniens ne sont plus considérés comme un peuple avec des droits collectifs mais comme des individus avec des besoins. Le problème serait de transformer sensiblement leur quotidien par des mesures économiques, en liquidant leurs revendications politiques. Le projet israélien est clair : des enclaves palestiniennes sous perfusion et sous étroite surveillance internationale. Cette dépolitisation se poursuit avec les annonces concernant Gaza. Or les Palestiniens de Gaza, comme ceux de Cisjordanie, ne sont pas des bouches à nourrir, mais un peuple en lutte pour la satisfaction de ses droits. Ils nous le rappellent régulièrement. À nous de ne pas l’oublier et de les soutenir jusqu’au bout dans ce combat, en exigeant la levée totale du blocus de Gaza sans perdre de vue les droits fondamentaux du peuple palestinien : droit à l’autodétermination, droit au retour des réfugiés. Julien Salingue
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