Depuis deux semaines, la Bolivie est affectée par un grand mouvement de grève initié par la Central de Obrera Boliviana (COB), qui organise plus de deux millions de travailleurs. Le sujet du conflit se situe sur le montant des pensions de retraites. Les revendications des grévistes ? Maintien à 100 % du salaire et prime de 8 000 bolivianos, soit à peine plus de 800 euros lors du départ en retraite. Dans un pays où le salaire minimum est l'équivalent de 100 euros, la question du maintien du salaire intégral lors du départ à la retraite apparaît comme une revendication qui relève parfois de la survie. En réponse, le gouvernement ne propose que 85 % (contre 70 % actuellement) et 4 000 bolivianos… et organise la répression, en envoyant la police sur les blocages tenus par les grévistes et notamment les mineurs, secteurs en pointe dans cette contestation.
Enlisement du conflitEncore plus que la répression, c'est bien la rupture durable du dialogue entre la COB et le gouvernement qui se confirme. La COB estime avoir joué un grand rôle dans l'élection du président et doit contenter une base dont la revendication est légitime. Morales est lui sous pression permanente des élites économiques, nationales et internationales, mais surtout tente de réaffirmer son leadership sur la gauche. Issu et soutenu par les mouvements sociaux, il est à la tête d'un gouvernement essentiellement soutenu par les paysans, et compte bien montrer qu'il bénéficie encore d'un large soutien. Le 10 mai dernier, dans un discours à la nation, il déclara ainsi : « Si la COB devient un parti politique, il faut la traiter comme l'opposition »… et il appelle ses partisans à manifester ce jeudi 23 mai, ce qui ne manquera pas de provoquer des affrontements avec les grévistes.La question fondamentale est de savoir si le processus initié par Morales n'arrive pas à un moment critique. Malgré les progrès indéniables réalisés depuis 2006, des critiques se font entendre. Bureaucratie, redistribution des richesses encore trop limitées, pauvreté qui se maintient, et surtout emploi dévasté. Morales qui va concourir pour un troisième mandat en 2014 se trouve plus que jamais à la croisée des chemins : renforcer le processus démocratiquement en allant plus loin contre la bourgeoisie et l'impérialisme ou risquer de voir les avancées des dix dernières années s'effondrer.
Antoine Chauvel