L’assassinat de Boris Nemtsov aura sans aucun doute des répercussions à long terme. Cet acte de terreur, crime d’État, est lié à la propagande chauvine que le Kremlin développe depuis des années, plus particulièrement avec la guerre en Ukraine. « L’ennemi intérieur », « la cinquième colonne », sont des expressions qui font partie du langage courant du pouvoir pour désigner les opposantEs. La télévision ne s’est pas privée de mettre en cause régulièrement des noms comme celui de Boris Nemtsov et préparait, quelques jours avant la mort de celui-ci, une émission sur le « Maïdan russe » dans lequel la future victime y était dénoncée comme un acteur central.
Pourtant, Nemtsov vient du même sérail que Poutine. Il a été un des principaux collaborateurs d’Eltsine dans les années 1990, en partie responsable, avec Poutine à l’époque, d’attaques sociales et politiques catastrophiques, ainsi que de crimes. Mais ce libéral de droite très « pro-américain » a condamné fermement l’intervention militaire russe en Ukraine et est devenu un opposant farouche de Poutine. Il faut savoir que toute critique de l’intervention militaire en Ukraine est interdite. Nemtsov a violé cette règle...
Il est aujourd’hui impossible de déterminer qui est directement responsable de ce crime, qui sont les commanditaires. Mais la responsabilité du pouvoir est entière et les dirigeants de l’opposition libérale ont transformé la manifestation qu’ils avaient prévue ce dimanche en une marche de protestation. Poutine a été obligé de l’autoriser et de la laisser aller jusqu’au centre de Moscou, sur les lieux mêmes du crime.
Cette manifestation a rassemblé des dizaines de milliers de personnes aussi bien à Moscou, plus de 50 000, qu’à Saint-Pétersbourg. Une démonstration de force de l’opposition parmi les plus importantes de ces dernières années, alors que la répression et les mesures d’intimidation sont très fortes. Le Mouvement socialiste russe (RCD) était présent et a distribué des milliers de tracts pour porter des exigences immédiates :– une enquête indépendante et transparente pour faire la vérité sur ce crime– la fin immédiate de toutes les campagnes de calomnies à la télévision d’État– la liberté inconditionnelle de parole et de réunion– la fin des opérations militaires russes en Ukraine– un vrai programme pour faire face à la crise et aider le peuple, et non les puissances financières ou celles de l’énergie.
Ilya Boudraïtskis et Alain Krivine