Les villes de Bosnie sont actuellement le théâtre de manifestations massives de populations exaspérées par la misère, la crise économique et la corruption de tous les politiciens. Nous reproduisons ici des extraits d’échanges avec des camarades bosniaques.
Le 4 février 2014, la ville de Tuzla a été le témoin d’une protestation qui a fini dans une explosion de violence. Tout a commencé par un rassemblement pacifique composé pour la plupart de travailleurs d’une série d’entreprises qui ont été privatisées ou qui ont fait faillite mais aussi d’étudiants, d’activistes et d’autres. Ils sont venus en réaction à la privatisation des grandes entreprises industrielles de Tuzla (c’est-à-dire Konjuh, Polihemn, Dita, Resod-Guming), qui représentaient la principale source de revenu pour la ville et sa population.Les travailleurs se sont trouvés dans la rue à se battre pour leur existence même. Ceci marque la première protestation de ce type à Tuzla. Environ 3 000 personnes sont descendues dans la rue où ils ont occupé les deux principales artères de la ville et ont bloqué la circulation pendant plusieurs heures.
Au départ les travailleurs de TuzlaPlusieurs centaines de travailleurs se sont rassemblés devant le tribunal du canton à Tuzla. Les protestations sont devenues rapidement violentes quand des pierres ont été jetées contre le bâtiment. Très vite, le gouvernement a répondu de la seule manière qu’il connaît, avec une bonne dose de violence d’État en envoyant la police anti-émeute contre les manifestants. Plusieurs manifestants ont réussi à entrer dans le bâtiment du gouvernement du canton dont une dizaine ont été arrêtés. Jusqu’à aujourd’hui 30 personnes ont été arrêtées et 18 blessées.La diffusion de l’information sur les manifestations et une partie de l’organisation ont été mises en place par un groupe Facebook qui s’appelle « 50.000 Za bolje sutra » (« 50 000 pour un meilleur avenir ») et « Udar » mais les principaux organisateurs restent les syndicats des entreprises déjà mentionnées. Ce type de protestation est une première en Bosnie et en Herzégovine, où les travailleurs, après une sérieuse impasse suite à la guerre, se sont rassemblés afin de combattre pour leurs droits. Ces protestations semblent avoir mieux réussi que la série de petites actions des travailleurs de chacune de ces entreprises pendant les dix dernières années car elles étaient bien plus visibles. Elles représentent même la première tentative d’organiser une protestation unifiée depuis la fin de la guerre en Bosnie-Herzégovine Aujourd’hui, les gouvernements locaux de Tuzla et Zenika ont été renversés.
L’extension des manifestationsÀ Tuzla existe une gauche anticapitaliste animée notamment par notre organisation Lijevi, et qui joue un rôle certain. Un manifeste très large circule qui exige à la fois la formation d’« un gouvernement technique » mais aussi l’indemnisation des chômeurs et le maintien de leur protection sociale, la remise à l’État des usines privatisées, la suppression des primes pour les élus… Les manifestations se sont étendues à Sarajevo et à d’autres grandes villes. Des bâtiments publics en sont souvent la cible ; le siège de la présidence fédérale tripartite de Bosnie a été incendié. Certains politiciens dénoncent les violences pour jeter le discrédit sur les raisons réelles du mécontentement populaire. Cette lutte n’est pas la mienne, ni la tienne, ni la nôtre. C’est la lutte de tout le monde contre ceux qui s’enrichissent et de moquent de la population.
Correspondance de Lijevi en Bosnie