Le vendredi 16 septembre à Bratislava s’est tenu le premier sommet des dirigeants européens sans les Britanniques. Ils ont annoncé une « Union européenne attrayante ». En fait, leur unité s’est faite sur une orientation qui renforce nationalismes et extrême droite.
Au lendemain du référendum britannique du 23 juin dernier, l’ensemble des dirigeants européens promettait une nouvelle orientation pour l’Europe et une réponse forte pour empêcher l’exemple britannique de se répandre...
En matière économique, la situation n’est pas brillante, notamment dans l’espace le plus intégré de l’UE, la zone euro. La croissance y est faible et devrait le demeurer. Dans les zones où elle est un peu plus forte, comme l’Irlande, l’Espagne ou l’Allemagne, les inégalités se creusent. D’ailleurs, de façon générale, politiques d’austérité et libéralisation ont aggravé les inégalités et précarisé les salariés. Le Brexit a en fait été rendu possible parce que les populations des zones industrielles dévastées du nord de l’Angleterre et du pays de Galles ont voté massivement en sa faveur. Si l’UE n’est plus assimilée par les classes populaires qu’à l’austérité et au chômage, elle sera en danger à chaque référendum ou à chaque élection. Et, évidemment, en cas de nouvelle crise, la situation deviendra encore plus délicate.
Grands discours et peu d’actes
Le sommet extraordinaire de Bratislava devait fournir de nouvelles perspectives. Il avait été précédé de diverses initiatives destinées à orchestrer la relance de l’UE et, en même temps, significatives des contradictions entre les pays-membres. Le 6 septembre, s’étaient réunis les Premiers ministres des quatre pays d’Europe centrale (République tchèque, Hongrie, Pologne et Slovaquie) qui ont réitéré leur opposition à l’accueil de migrantEs. Le 9 avait aussi eu lieu à Athènes un sommet des pays du Sud de l’UE (y compris la France) qui ont appelé à la relance de la croissance et à un partage « équitable » des migrantEs. Malgré le caractère on ne peut plus mou de leur appel, le ministre allemand des Finances les avait immédiatement renvoyé dans leurs buts : « Quand ce sont des dirigeants de partis socialistes qui se rencontrent, la plupart du temps, il n’en sort rien de bon. »
Quant au président de la commission, il s’est fendu d’un grand discours devant le Parlement européen sans annoncer rien de précis... sauf une rallonge de son grand plan d’investissement dont les effets sur la croissance apparaissent très limités.
Chômage et croissance à la trappe
À Bratislava, les 27 sont tombés d’accord sur une déclaration commune, une « feuille de route » indiquant avec le plus grand sérieux : « Nous nous sommes engagés à offrir à nos citoyens, dans les mois qui viennent, la vision d’une UE attrayante, dans laquelle ils puissent avoir confiance et qu’ils pourront soutenir. » Pourtant, les sujets qui importent vraiment aux populations : emploi, chômage et croissance n’ont pas été discutés. La question des réfugiéEs est passée à la trappe. La priorité a été donnée à la sécurisation des frontières extérieures et au renforcement des moyens militaires d’intervention. L’Europe-forteresse comme perspective...
Aucun autre horizon que la poursuite des réformes libérales et de consolidation budgétaire au détriment des couches populaires n’a été dégagé. Pour séduire les déçuEs de l’Europe, les dirigeantEs européens ont choisi de mettre l’accent sur la sécurité et le contrôle des frontières, plaçant ainsi, comme les anti-européens de droite et d’extrême droite, la question migratoire au centre du problème.
Sur le terrain de l’extrême droite
Comme d’habitude, Hollande n’a rien fait pour faire passer ne serait-ce qu’une petite allusion aux aspirations exprimées à Athènes. D’ailleurs, celles-ci sonnaient creux : depuis la capitulation de Tsipras, tous les gouvernements mènent en fait la même politique à des détails près. Cependant, l’Italien Renzi s’est senti lâché car il avait besoin d’obtenir quelque chose vis-à-vis de son opinion publique : son poste est en jeu dans les mois qui viennent, lors d’un référendum sur une réforme constitutionnelle.
Au total, le sommet de Bratislava n’a été qu’une comédie triste. Voilà de quoi continuer à alimenter le climat xénophobe en se plaçant sur le terrain privilégié de l’extrême droite, ainsi que de favoriser les surenchères sécuritaires ! Une unité de façade et la fiction du renforcement de l’Union européenne ont été sauvegardées, mais elles renforcent les pires dérives. Il n’y a rien à attendre des dirigeants en place : sauver l’Europe suppose de rompre avec ces politiques et ces traités mortifères.
Henri Wilno