Le 12 Juillet, le juge Sergio Moro a condamné en première instance l’ancien président Lula à neuf ans et demi de prison pour corruption passive et blanchiment d’argent. Lula serait le propriétaire d’un appartement triplex sur la plage de Guarujá, reçu illégitimement de l’entreprise de construction OAS.
La base juridique de cette décision est extrêmement fragile : la propriété juridique de l’appartement n’a jamais été transférée à Lula, et il n’a jamais occupé l’immeuble. Le juge n’a pas davantage précisé quels seraient les avantages que l’OAS aurait reçus en retour de la part de Lula.
Salir l’image de Lula
La condamnation a donc été une décision juridique arbitraire, qui s’explique par la volonté préexistante du juge de condamner Lula. Lula fait appel de cette décision et, tant qu’il n’est pas condamné en appel (ce qui n’est pas certain), il peut même être candidat à la présidence de la République en 2018. En général, le jugement d’un appel prend plus d’un an. Ainsi, à l’heure actuelle, la principale conséquence de la condamnation est politique : elle contribue à salir l’image de Lula.
Lula a certainement souffert d’une injustice, et il a très probablement raison de dire qu’il est persécuté politiquement. Cependant, il ne peut pas être considéré comme innocent, et certainement pas comme politiquement innocent. L’opération Lava Jato, qui concerne une vaste affaire de corruption et de blanchiment impliquant les grands partis politiques, dont le PT, et en vertu de laquelle la condamnation contre Lula a été prononcée, souffre de nombreux biais politiques et juridiques et doit à ce titre être critiquée. Mais elle n’est pas une fiction.
Un système de corruption impliquant le PT
Il n’y a pas de doute que dans les gouvernements du PT – comme, d’ailleurs, dans les gouvernements précédents – il y a eu énormément de corruption, et une partie de celle-ci a été démontrée. Lula affirme qu’il ne savait rien, mais il n’est pas crédible. Il ne fait également aucun doute qu’il a reçu des faveurs, pour lui-même et pour sa famille, grâce à ses bonnes relations avec des secteurs de la bourgeoisie brésilienne et en échange d’avantages qu’il lui a assurés.
S’il faut donc dénoncer une condamnation sans preuves qui s’inscrit dans un cadre plus large de persécution politique, il est toutefois impossible d’affirmer que Lula est innocent. Ce qui est évident est que le PT n’a pas changé les pratiques héritées de ses prédécesseurs au pouvoir : gouverner en faveur des intérêts bourgeois pour gagner leur soutien politique (et financier, en particulier aux élections), ainsi que des avantages personnels. Une grande partie des anciens partisans du PT le reconnaissent, ce qui explique que les manifestations pour la défense de Lula aient été très clairsemées.
Unité dans la rue, mais pas derrière le candidat Lula
Au-delà de leur manque de crédibilité dans les affaires de corruption, Lula et le PT ont en outre réaffirmé leur volonté de participer aux prochaines élections dans l’objectif de mener la même politique que celle qu’ils ont menée précédemment. Lula a ainsi répété que le PT n’a pas eu tort de s’allier avec des partis de droite (qui se sont consacrés plus tard à le renverser), parce que, selon lui, ces alliances sont indispensables pour gouverner.
Du point de vue de la gauche socialiste brésilienne, la seule option est d’impulser des mobilisations contre le gouvernement illégitime et ses « contre-réformes » et, dans le même temps, de chercher à construire une alternative politique à Lula et au PT. Dans la mesure où le PT et ses alliés politiques s’opposent au président Temer et à ses politiques, l’unité avec eux est nécessaire dans la rue. Mais aucune concession ne doit leur être faite lorsqu’ils font pression pour que l’unité se retrouve derrière la candidature de Lula aux prochaines élections.
De São Paulo, João Machado