Publié le Lundi 18 avril 2016 à 23h50.

Brésil : Fin mélancolique du gouvernement du PT

 

L’approbation de l’ouverture du processus de destitution de Dilma Rousseff par la chambre des députés à une importante majorité est une grande défaite pour le gouvernement et le PT.

Presque tous les partis de droite qui étaient au gouvernement, à commencer par le PMDB, parti du vice-président, ont rompu avec le gouvernement ces dernières semaines. Seuls les partis les plus à gauche qui appuyaient le gouvernement ont voté contre le processus de destitution, ainsi que quelques députés de droite qui n’ont pas suivi la direction de leur parti, et le PSOL, parti d’opposition de gauche au gouvernement.

Une partie importante de la bourgeoisie a soutenu les gouvernements du PT lorsque ceux-ci allaient dans le sens de la collaboration de classe. Cependant, avec la crise économique qui a commencé à s’intensifier en 2014, la bourgeoisie a exigé un gouvernement beaucoup plus dur pour qu’il applique une politique d’austérité totale qui a conduit à dégrader les conditions de vie du peuple.

Dilma Rousseff a essayé de remplir ce rôle : elle a opéré un grand virage à droite après les élections de 2014. Mais il a été clair que le PT, à travers les liens qu’il maintenait encore avec la majorité du mouvement syndical et populaire, a eu des difficultés pour mener à bien cette politique. Temer, le vice-président, un politicien bourgeois, est allé encore plus loin dans la mise en œuvre d’une politique anti-populaire. De ce fait, la FIESP (Fédération des industries de l’État de Sao Paulo) et d’autres fédérations de chefs d’entreprise ont assumé un rôle moteur dans la procédure de destitution.

Acculés, le gouvernement de Dilma Rousseff et le PT ont tenté de se sortir de cette situation d’une façon lamentable : en tentant jusqu’à la fin d’offrir des avantages aux politiciens bourgeois. Ils ont échoué à convaincre leurs adversaires plus intéressés par la possibilité d’un gouvernement Temer.

De nombreux députés ont justifié leur appui à la procédure de destitution en évoquant la grande impopularité du gouvernement de Dilma Rousseff et les cas de corruption liés au PT. Cela n’a pas de sens : d’après les sondages, Temer et le PMDB sont aussi impopulaires que Dilma Rousseff et sont impliqués encore plus directement qu’elle dans les cas de corruption qui ont été révélés. Près de 60 % de la population est favorable à la démission ou à la procédure de destitution des deux partis au pouvoir.

 

Un processus illégitime

Le PSOL, parti de la gauche socialiste, a pris position contre la procédure parce que le processus n’a aucune légitimité, c’est une farce complète. Le président de la chambre, membre du PMDB, principal protagoniste de la procédure de destitution, est un corrompu notoire, mis en accusation dans la même enquête qui a incriminé les membres du PT. Les arguments juridiques invoqués pour destituer Dilma Rousseff s’appliquent également à Temer. Dans ces conditions, la procédure de destitution est un coup d’État. De plus, un gouvernement dirigé par Temer sera au moins aussi impopulaire que le gouvernement de Dilma Rousseff et aggravera encore davantage les conditions de vie de la population.

Des secteurs d’extrême droite clairement fascistes participent aussi au mouvement pour la procédure de destitution. Ils ne seront pas présents dans le futur gouvernement mais auront une influence et en sortiront renforcés. Finalement, la progression de la droite a entraîné une grande mobilisation populaire contre la procédure, y compris des secteurs de la gauche opposés au gouvernement de Dilma Rousseff.

Celle-ci est encore présidente pour quelques semaines, jusqu’à ce que le Sénat confirme l’ouverture de la procédure de destitution (ce qui est certain). Mais il est évident qu’elle ne gouverne plus. La gouvernance par le PT s’achève de façon mélancolique... Mais cela n’implique pas la fin du processus : les crises économique et politique perdurent et tendent à s’amplifier.

De Sao Paulo, João Machado

(Traduit par A. S. et. E. L)