Ce jeudi 11 juillet a eu lieu la « journée nationale de lutte, avec grèves et manifestations », à l’appel de 6 centrales syndicales. Cet appel a été ensuite relayé par des dizaines de mouvements sociaux, emmenés par le MST (Mouvement des travailleurs sans-terre), par les mouvements qui ont été les plus actifs dans les mobilisations du mois de juin et par tous les partis de gauche.La plate forme commune de revendications était vaste et très progressiste. Elle comprenait par exemple la réduction de la semaine de travail à 40 heures et la réforme agraire. Il y avait aussi des revendications spécifiques.Le grand nombre de soutiens et la justesse des revendications aurait pu montrer une mobilisation au moins égale en importance aux grandes mobilisations de juin. Cependant, les manifestantEs n’ont guère été plus de 100 000 dans le pays tout entier. On doit prendre en compte le fait que pendant cette journée, il y a eu aussi des grèves (localement, et surtout dans des catégories où les secteurs à gauche du gouvernement pèsent le plus) et d’autres formes de lutte, comme le blocage de routes. Mais en conclusion, cette journée, qui n’a pas été un échec, n’a pas eu non plus l'impact des mobilisations de juin.
Ambiguïtés des positionsIl y a une première raison à cela, les contradictions et les ambiguïtés des centrales syndicales. Lorsqu’elles ont lancé leur appel, elles en sont arrivées à parler de « grève générale ». Cependant, une grève de grande portée aurait marqué une opposition aux gouvernements (1), tout particulièrement au gouvernement fédéral, et rien n’était plus éloigné des intentions de quasiment toutes les centrales syndicales (à commencer par la plus grande, la CUT) et de presque tous les mouvements sociaux (à commencer par la direction du MST). Dès lors, la plupart des centrales se sont employées à limiter les grèves.Une des revendications soutenue par la majorité de ceux qui ont appelé à cette action était la « réforme politique avec référendum », ce qui représentait un soutien à une manœuvre initiée par Dilma Rousseff pour vider de son contenu le mécontentement populaire. Les centrales syndicales voulaient essentiellement montrer qu’elles pouvaient aussi mobiliser, mais ne prenaient aucune des revendications présentées vraiment au sérieux. En retour, la grande majorité de ceux qui avaient manifesté en juin n’a pas pris au sérieux la « journée de lutte » des centrales.
Il y a une autre limite à cette journée : sa nature même. C'était une journée de lutte « traditionnelle », au cours de laquelle les dirigeants sur des camions sonorisés feraient des discours pour les masses. Un machin bien bureaucratique. D’ailleurs, dans la manifestation sur l’Avenida Paulista (à São Paulo), qui a réuni 10 000 personnes, il y avait des gens payés pour porter les banderoles de centrales syndicales de droite. Ce n’est pas le genre de manifestation à laquelle s’identifie la jeunesse...Seul des secteurs très limités de la classe ouvrière proprement dite se sont mobilisés. La conclusion qui s’impose est que le mouvement syndical, et les mouvements sociaux brésiliens en général, ont besoin d’un nouveau souffle et d’une rénovation, à la fois pour surmonter les effets extrêmement négatifs de l’adhésion de la grande majorité de leurs dirigeants au gouvernement fédéral, et – ce qui demande encore plus d’efforts – pour surmonter la bureaucratisation et aller de pair avec la nouvelle génération des combattants du XXIe siècle.Le mois d’août, au Brésil, est traditionnellement un mois de grandes campagnes pour les salaires. Si elles sont mises en route d’une manière moins bureaucratique que le 11 juillet par les syndicats, ce sera une meilleure occasion pour la classe ouvrière d’entrer réellement en scène.De São Paulo, João Machado(traduit du portugais par Jean-José Mesguen)1- Le système politique est fédéral. Chaque État a son gouvernement, aux pouvoirs étendus, et le gouvernement fédéral dirige l’ensemble du pays.