Publié le Dimanche 8 avril 2018 à 11h37.

Brésil : la colère ne retombe pas depuis l’assassinat de Marielle Franco

L’assassinat de Marielle Franco, une femme noire, née dans l’un des plus grands bidonvilles de la ville, militante des droits humains et lesbienne, conseillère municipale du PSOL à Rio de Janeiro, et de son chauffeur Anderson Gomes, le 14 mars, dans une rue du centre-ville, a eu un impact majeur au Brésil.

Le lendemain, de manière largement spontanée, il y a eu dans des dizaines de villes les plus grandes manifestations du pays depuis le premier semestre 2017. Les principaux rassemblements ont eu lieu à Rio de Janeiro, où plus de 100 000 personnes ont protesté, et à São Paulo, avec des dizaines de milliers. Les jours suivants, il y a eu aussi une grande solidarité et de nombreuses manifestations à l’étranger – même le pape François a téléphoné à la mère de Marielle. Pour l’instant, les tueurs n’ont pas été retrouvés, et le crime n’a pas été expliqué par la police.

« Lumières pour Marielle et Anderson »

La révolte contre les assassinats a mobilisé plus de personnes que la lutte contre le projet néo-libéral de « réforme » de la sécurité sociale, et que la solidarité avec l’ancien président Lula, dont la condamnation pour corruption a été confirmée en janvier.

Les manifestations et les actes de solidarité continuent jusqu’à ce jour ; il y a eu d’autres actions massives après le 15, notamment à Rio de Janeiro. Le 2 avril, par exemple, dans environ 160 villes du Brésil et à l’étranger, des manifs « Lumières pour Marielle et Anderson » ont eu lieu, dans lesquelles des bougies étaient allumées sur les places et dans les rues.

Les assassinats à motivation politique sont très fréquents au Brésil – mais surtout dans les campagnes (en particulier des meurtres de travailleurs ruraux) et dans les petites communes. Les assassinats de Noirs et de pauvres dans les banlieues des grandes villes sont encore plus fréquents. Le Brésil est un pays très violent. Cependant, l’assassinat d’une importante dirigeante politique, bien connue pour la défense des droits humains, dans le centre de Rio de Janeiro, n’est pas chose courante.

Le combat pour la justice et la vérité continue

L’identification de la population noire et pauvre avec Marielle, et sa révolte suite à son assassinat, ont été énormes. Dans les manifestations, il y a eu une forte présence de la population noire, en particulier des jeunes femmes.

Il y a une croissance des actions d’extrême droite. À mesure que les mobilisations populaires augmentent, la polarisation est de plus en plus forte. Un fait notable est que depuis le 15 mars, il y a eu une grande activité des groupes de droite pour diffuser des « fake news » sur Marielle sur les réseaux sociaux (en particulier qu’elle serait associée au trafic de drogue, et l’ex-épouse d’un trafiquant). Ces manipulations ont toutefois été largement vaincues par la mobilisation pour la vérité. En cela, les grands médias, en général, ont aidé. Même le principal réseau de télévision brésilien, Rede Globo, a diffusé un programme dans lequel Marielle a été défendue et honorée, en donnant même la parole à sa veuve, Monica Benicio.

Bien sûr, les grands médias ont également cherché à vider le sens du meurtre de Marielle : elle a souvent été présentée comme une énième « victime de la violence », et certains tentent d’utiliser sa mort pour justifier l’intervention militaire à Rio de Janeiro (qu’elle a combattue). Le combat pour la justice et la vérité continue. 

À São Paulo, João Machado