Publié le Mardi 20 décembre 2016 à 09h49.

Brésil : L’unité bourgeoise peut-elle sauver le gouvernement Temer ?

Le gouvernement Temer n’a jamais été un gouvernement légitimé par le peuple : la majorité ne voulait pas continuer le gouvernement de Dilma Roussef, mais ne voulait pas non plus Temer comme président. Et son usure augmente de façon spectaculaire depuis la mi-novembre.

 

Le 18 novembre, le ministre de la Culture, Marcelo Calero, a démissionné. Il a expliqué publiquement ensuite qu’il l’a fait parce qu’il n’a pas accepté les pressions de l’un des ministres les plus proches de Temer, Geddel Vieira Lima, et du président lui-même, pour intervenir en faveur d’un projet immobilier de luxe auquel Geddel s’intéressait, contre l’avis des experts d’un organisme relevant du ministère de la Culture. Ce projet compromettait le patrimoine historique de la ville de Salvador. Le scandale a forcé Geddel à démissionner le 25 novembre. Cependant, il était évident que Temer lui-même a essayé d’utiliser sa position pour bénéficier des intérêts privés d’un ami, ce qui est un motif suffisant pour sa destitution d’après la Constitution brésilienne.Sur les réseaux sociaux, il y avait plus d’un demi-milliard de messages commentant négativement le « cas Geddel » et la participation de Temer. Le 27 novembre, des manifestations « Temer dehors ! », ont eu lieu dans plusieurs villes, dont 40 000 personnes à São Paulo.Le 1er décembre, le président du Sénat, Renan Calheiros, lui aussi du PMDB, a été mis en accusation dans un des 12 procès (!) pour corruption contre lui. Suivant la Constitution, il aurait dû perdre la présidence du Sénat. Cependant, on craignait que son départ entraîne le report du vote (prévu pour le 13 décembre) de l’amendement à la Constitution qui limite les dépenses non financières du gouvernement fédéral pour les 20 prochaines années : la mesure antipopulaire « contre la crise » la plus importante préconisée par le capital financier et par toute la bourgeoisie brésilienne. Sous la forte pression de la bourgeoisie, la majorité de la Cour suprême a donc « réinterprété » la Constitution : Renan Calheiros a été retiré de la « ligne de succession » officielle de la présidence... mais il reste président du Sénat ! Même les grands médias brésiliens, dans une large majorité favorable à cet amendement constitutionnel, a considéré cela comme une violation de la Constitution.

Jusqu’au bout ?Le 9 décembre, les médias ont divulgué la première « delação premiada », déclaration faite par l’un des 77 dirigeants de la société de construction Odebrecht (la plus grande entreprise de construction du Brésil... et la plus impliquée dans les affaires de corruption de l’opération Lava Jato). Cette délation frappe directement Michel Temer et tous les principaux dirigeants du PMDB. Elle implique aussi d’autres partis, dont le PT. Rappelons qu’il y aura encore 76 « delações premiadas » au contenu similaire !Le mécontentement populaire grandit parce que la situation économique continue à se détériorer, et les mesures annoncées par le gouvernement Temer ont un caractère antipopulaire évident. Et, bien sûr, il y a la corruption. Personne ne peut donc parier que Temer atteindra la fin de son mandat prévue fin 2018. Toutefois, s’il devait partir en 2017, la Constitution prévoit des élections indirectes (par le Congrès) pour un président afin de terminer le mandat. Mais la grande majorité de la population rejette également le Congrès... encore plus impopulaire que Temer !Cependant, aussi démoralisé que Temer puisse l’être, il dispose d’un point fort : le capital financier et l’ensemble de la bourgeoisie brésilienne veulent qu’il termine le sale boulot dans la défense de leurs intérêts. Ils veulent donc le garder au moins jusqu’en 2017, comme ils ont voulu garder Renan Calheiros en tant que président du Sénat. Et si les mobilisations de résistance contre les attaques faites au peuple ne se transforment pas en une explosion d’indignation populaire, Temer restera président.

De São Paulo, João Machado