Publié le Mercredi 7 juin 2017 à 12h43.

Brésil : Temer, jusqu’à quand ? Et après ?

Depuis son arrivée au pouvoir après un coup d’État parlementaire contre Dilma Rousseff, Temer était déjà considéré comme illégitime par une grande partie de la population...

Il était ensuite devenu le président le plus impopulaire depuis des décennies. Aujourd’hui, après qu’une conversation secrète a été rendue publique le 17 mai, très peu de gens dans le pays doutent qu’il est corrompu, et ce qui est encore pire, très peu de gens doutent qu’il existe des preuves abondantes qu’il est bien corrompu... Les accusations portées contre lui sont beaucoup plus graves que celles qui existaient contre Collor de Mello (écarté en 1992), sans parler des charges beaucoup plus limitées qui étaient portées contre Dilma Rousseff. De plus, il y a aussi une grande opposition aux politiques gouvernementales : dans le cas de la « réforme » néolibérale de la sécurité sociale, des enquêtes donnent une opinion publique opposée à 90 % !

Pourquoi Temer n’est pas encore tombé ? D’abord parce que Temer ne veut pas démissionner de la présidence (la solution la plus simple) avant de trouver un accord qui lui éviterait qu’il soit immédiatement emprisonné. Mais il est difficile d’imaginer comment un tel accord pourrait se produire.

Si Temer ne démissionne pas lui-même, sa démission dépend en partie de la Cour suprême, mais devra être approuvée par le Parlement... dont la plupart des membres sont aussi corrompus que Temer. En le protégeant, ils se protègent aussi eux-mêmes. Cette attitude devrait leur coûter cher aux prochaines élections, mais leurs préoccupations sont beaucoup plus immédiates. La ligne du cynisme maximum...

La plupart des parlementaires et la bourgeoisie qui finance ses campagnes et les contrôle, semblent déjà convaincus que Temer devra être démis de ses fonctions, mais ils essayent de parvenir d’abord à un consensus sur qui devrait le remplacer lors d’une élection indirecte. Le PT lui-même, officiellement partisan d’organiser de nouvelles élections directes, est intéressé par un accord de ce genre car cela lui permettrait de laisser libres Lula et d’autres dirigeants du parti. Mais le choix d’un nom issu des grands partis n’est pas facile car la plupart ont également contre eux plusieurs accusations de corruption...

Des mobilisations encore trop faibles

Enfin, l’explication la plus importante sur le maintien de Temer jusqu’à présent est que, si l’on a déjà eu des manifestations importantes autour de « Temer dehors ! », celles-ci sont trop limitées par rapport à ce qui serait nécessaire pour renverser le président. Cette relative faiblesse des mobilisations peut être expliquée par une lassitude, qui se combine avec des divisions importantes par rapport aux alternatives existantes : Lula apparaît comme le candidat le plus fort lors d’une élection directe, mais le rejet, y compris parmi les classes populaires, est également très fort.

Le peuple semble avoir aussi réalisé qu’il ne faut pas seulement changer le président. Il est nécessaire d’avoir de nouvelles élections pour les députés et les sénateurs, ce qui nécessite une mobilisation encore plus forte, et plus difficile. 

De plus, le fait qu’il y ait une réelle possibilité d’empêcher l’adoption de nouvelles « réformes » néolibérales et de renverser le président semble avoir accru les doutes des syndicats les moins combatifs. Cela dit, après beaucoup de discussions, les centrales ont annoncé une deuxième grève générale pour le 30 juin, contre ces « réformes » néolibérales et pour la démission de Temer.

Le plus probable est la chute de ­Temer dans les semaines qui viennent. Mais le risque qu’il y ait ensuite des élections indirectes, qui prolongeraient la crise et permettraient la poursuite des attaques contre les travailleurs, reste très élevé. Quoi qu’il en soit, il faut se battre pour le succès de cette prochaine grève générale, pour que, non seulement, celle-ci stoppe les « réformes » néolibérales mais permette aussi le renversement de Temer et assure de nouvelles élections générales.

De Sao Paulo, João Machado