Publié le Jeudi 13 novembre 2014 à 08h00.

Burkina Faso : victoire populaire

La tentation fatale, ce n’est pas le titre d’un roman policier mais bien ce qui est arrivé à Blaise Compaoré. Pour se maintenir au pouvoir, il a essayé une nouvelle fois de changer la Constitution. Bien mal lui en a pris, une mobilisation inégalée de la population a fini par le faire démissionner.

Comme au Sénégal contre Wade il y a deux ans, le Burkina Faso a vu l’émergence dans la société civile d’une organisation « le balai citoyen » qui a mené cette lutte victorieuse. Cette association animée par deux chanteurs, Smockey et Sams K Le Jah, a su fédérer la jeunesse et était déjà présente dans les luttes quotidiennes contre la vie chère et les coupures d’électricité.Cette situation est d’autant plus intéressante qu’elle met sous pression l’opposition politique, composée majoritairement de transfuges du pouvoir, comme Zéphirin Diabré, l’ancien Monsieur Afrique d’Areva, même si il existe aussi une mouvance sankariste. Mais la richesse politique du Burkina Faso, c’est surtout sa société civile militante. Elle a été capable d’organiser des grandes mobilisations contre la vie chère, contre l’assassinat d’un célèbre journaliste, Norbert Zongo, ou le meurtre par la police d’un jeune lycéen en 2011.Pour empêcher le vote sur la modification de la Constitution, la population s’est emparée de l’Assemblée nationale et s’en est pris aux propriétés et entreprises détenues par les proches du pouvoir, avec comme symbole le déboulonnage de la statue de Blaise Compaoré à Bobo Dioulasso, la seconde ville du pays.

Le faux nez de la FranceArrivé au pouvoir par un coup d’État, en assassinant Thomas Sankara qui reste un des symboles de la résistance africaine, Compaoré va se mettre tout de suite au service de l’impérialisme, soutenant Charles Taylor, aujourd’hui en prison pour crimes contre l’humanité, fournissant des armes à l’Unita, un groupe de rébellion en Angola soutenu par l’Afrique du Sud de l’apartheid.Après la chute du mur de Berlin, Compaoré a versé dans la diplomatie en étant médiateur dans les conflits des pays africains. Mais cela ne l’a pas empêché de déstabiliser le pouvoir de Gbagbo en Côte d’Ivoire et de jouer un rôle trouble au nord du Mali en aidant les groupes armés. Il était le faux nez de la France en Afrique de l’Ouest, et c’est d’ailleurs Paris qui l’a exfiltré vers la Côte d’Ivoire...La lutte victorieuse des populations au Burkina est vue avec inquiétude par les autres potentats, notamment ceux du club de la Françafrique qui eux aussi, pour garder leur pouvoir, avaient prévu de faire la même chose. Ainsi les dictatures au Togo, aux deux Congo – Brazzaville et Kinshasa –, au Tchad ou à Djibouti, se retrouvent face à leur population qui a bien compris qu’une lutte unie et déterminée peut les faire tomber.Notre vigilance et notre solidarité doivent être fortes, d’autant que le Burkina Faso est un élément essentiel dans le dispositif militaire français de l’opération Barkhane dans la bande sahélo-saharienne. À n’en pas douter, Paris va peser de tout son poids dans la période de transition politique qui s’ouvre au Burkina.Avec Thomas Sankara, le Burkina avait suscité l’espoir pour le Continent. Trente ans plus tard, de nouveau cet espoir revit.

Paul Martial