Publié le Jeudi 7 novembre 2024 à 13h00.

Au Burkina Faso, la faillite de la junte

Pour pallier son incapacité à améliorer la situation sécuritaire au Burkina Faso, la junte renforce son cours répressif.

Le 24 août près de 400 civilEs mouraient sous les balles des djihadistes dans le village de Barsalogho dans le centre-nord du Burkina Faso. Cette tragédie jette une lumière crue sur la situation réelle du pays, bien loin des discours triomphalistes des putschistes.

Les civilEs jetéEs en pâture

C’est le chef de la junte lui-même Ibrahim Traoré qui a exigé qu’autour des villages, victimes d’attaques islamistes, soient créées des tranchées. Alors que les villageois de Barsalogho — obéissant aux injonctions des militaires sous peine de représailles — étaient en train de creuser, ces derniers ont été pris sous les balles des miliciens du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) affilié à Al Qaïda. Le message des djihadistes était clair, tout civil collaborant avec les forces de sécurité sont des cibles potentielles. Dans les ­communes rurales comme celle de Barsalogho, les villageois sont pris en étau entre l’armée et les djihadistes, qui font l’un comme l’autre peu de cas de cas de la vie des Burkinabés.

D’autant que les autorités ont largement brouillé les frontières entre militaires et civils avec la mise en place des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Ils sont composés de citoyens recrutés avec une formation et un armement sommaire et censés défendre leur village.

Complots partout

Human Rights Watch estime que 6 000 personnes ont été assassinées en 2024, un nombre record de victimes qui illustre l’impuissance des militaires au pouvoir.

On se rappelle que la justification de son coup de force était l’incapacité du pouvoir précédent à répondre efficacement aux attaques armées des islamistes.

Le discours des autorités est que le massacre de Barsalogho était le signal d’un complot aux multiples branches visant à ­déstabiliser le régime, ourdi par les opposants, mélangeant pêle-mêle des officiers, des membres de l’ancien régime, des journalistes, des espions occidentaux. 

Justice nulle part

Un prétexte pour accentuer une répression qui touche toutes les voix discordantes. Ainsi le personnel judiciaire qui a travaillé sur des dossiers impliquant des personnes soutenant la junte, se retrouve enrôlé de force dans les VDP. Tel est le cas du juge de Ziniaré chargé de l’affaire d’un proche du pouvoir impliqué dans l’accident d’une mine illégale qui a causé la mort de près de 60 personnes, ou le journaliste Serge Oulon. Il avait dénoncé dans un article le détournement de fonds d’un capitaine de l’armée du Burkina.

Un bataillon d’intervention rapide de la communication (BIR-C) a même été créé pour arrêter toute personne qui conteste le gouvernement. Mahamoudou Sana, le ministre de la Sécurité, encourage la population à dénoncer les mauvais citoyens. Quant aux opposantEs en exil, la junte s’attaque aux membres de leurs familles.

Barsalogho témoigne de la faillite et de cette fuite en avant répressive et sécuritaire de la junte dont la survie dépend de plus en plus de leur protecteur russe.

Paul Martial