Après l’accord imposé par les instances européennes, le vote du 15 juillet au parlement grec a présenté deux enjeux importants.
D’abord, la mobilisation appelée par Adedy, la fédération syndicale du secteur public, contre le mémorandum accepté par Tsipras serait-elle dans la continuité du Non massif du 5 juillet ? La grève dans la fonction publique semble avoir été moyennement suivie. La manifestation a rassemblé quant a elle 15 000 personnes appelées par Adedy, les syndicats de base, Pame (le courant syndical du KKE), Antarsya, des secteurs de Syriza... Mais le sens de cette manifestation a été délibérément détourné par la police, qui l’a violemment attaquée et arrêté plusieurs manifestants, dont deux camarades d’Antarsya, militants d’OKDE Spartakos (signer la pétition). Un comportement inquiétant qui traduit une inflexion du gouvernement Tsipras.
De plus il s’agissait aussi de voir quelles seraient les réactions au sein de Syriza à ce qui constitue une négation des objectifs proclamés ? Avant le vote a été publié un appel d’une majorité de membres du comité central de Syriza (109 sur 201) condamnant l’acceptation du mémorandum, ce qui dépasse de très loin l’influence de la seule Plateforme de gauche. De même, de nombreuses sections ont fait connaître leur désaccord strict. Tsipras a tout de même réussi à limiter les défections : 123 députés de la coalition Syriza-Anel ont voté le mémorandum, 32 votant non, 6 abstentions et 1 absente. Mais ce sont les voix pro-troïka de la réaction, unanime, qui ont assuré la large approbation du mémorandum.
Questions à gauche
Même si, à gauche, certains pensent la situation éclaircie, Syriza tombant le masque ouvrant une autoroute pour la gauche anticapitaliste, la situation est en fait très complexe, ne serait-ce que parce qu’on ne peut pas dire qu’un Premier ministre, qui à la fois condamne et applique des attaques anti-ouvrières imposées un revolver sur la tempe, est passé définitivement du côté de l’ordre bourgeois. Tsipras peut d’ailleurs s’appuyer sur un sondage sorti ce week-end : 70 % des personnes interrogées approuvent l’accord signé, même dans ces conditions draconiennes (63 % des électeurs Syriza, 80 % de la droite), et au niveau des intentions de vote, c’est 42,5 % pour Syriza si de nouvelles élections avaient lieu...
Fort de tels chiffres, Tsipras annonce la nouvelle ligne : il s’est battu pour éviter la catastrophe qu’aurait été l’exclusion de la zone euro, il se battra désormais pour appliquer un mémorandum avec le moins de souffrance possible pour les couches populaires. Et du coup, l’offensive est lancée contre la Plateforme de gauche, avec chantage à la démission de Tsipras. Face à cette offensive généralisée, le dirigeant de la Plateforme de gauche, Lafazanis, est en situation difficile, expliquant qu’il peut très bien être contre le mémorandum et les mesures en découlant, mais qu’il soutient le gouvernement ! Dans ces conditions, Tsipras a pu remplacer les trois ministres qui ont voté Non le 15 juillet au Parlement sans que cela ne provoque de révolte de masse dans Syriza. Mais en cet instant, nul n’est en mesure de prédire quelles seront les évolutions au sein de Syriza. Un nouveau Comité central pourrait avoir lieu le week-end prochain...
Quels axes ?
En fait, tout Syriza – mais aussi une bonne partie de la gauche anticapitaliste, sans oublier le KKE – reste dans le cadre rappelé la semaine passée par Merkel : on ne peut et rester dans l’euro et refuser l’austérité. La direction de Syriza a donc rejoint les positions de l’inévitable austérité pour rester dans la zone euro. La Plateforme de gauche et Antarsya affirment quant à elles que pour refuser l’austérité, il faut la quitter, alimentant à leur manière un repli défensif qui pour l’heure continue à ne pas convaincre grand monde.
Or, de très nombreux commentaires politiques, revenant sur le chantage au Grexit que quasiment personne ne voulait au sein des instances européennes, permettent d’entrevoir quelques pistes : d’abord le fait qu’il y avait une autre voie possible pour le gouvernement que de céder aux terribles pressions de la troïka, en portant la crise au sein des directions bourgeoises plutôt qu’au sein de la gauche grecque. Et insistant sur l’inflexibilité idiote du ministre des finances allemand Schäuble, différentes critiques – dont un ancien responsable du FMI – expliquent que c’est l’Allemagne qu’il faut expulser de la zone euro !
Alors, face au risque de voir des (ex)dirigeants de la troïka comme Hollande ou même Strauss-Kahn jouer le rôle de réformateurs progressistes de l’Europe, c’est au mouvement ouvrier et à la gauche radicale et révolutionnaire de refuser les reculs favorisant les réflexes nationalistes, et de se battre pour une Europe solidaire contre l’austérité.
D’Athènes, A. Sartzekis