Jusqu’au 27 février, la 6e Semaine anticoloniale propose des débats, des salons et des colloques sur le colonialisme. Le 26 février, une manifestation partira à 15 heures de la place de la République à Paris. Programme complet sur www.anticolonial.net
Les dernières colonies françaises
Kanaky
Toute la liste UC-FLNKS1 au gouvernement de Nouvelle-Calédonie a démissionné le 17 février, entraînant la chute du gouvernement de Philippe Gomes (Calédonie ensemble). Le gouvernement du territoire est collégial, il est élu à la proportionnelle des membres du congrès. L’UC avait donné un ultimatum à Gomes qui refuse la levée du drapeau du FLNKS à côté du drapeau français dans quatre communes dont La Foa, sa commune d’origine. Logiquement, le congrès étant majoritairement à droite, le prochain président devrait être issu de ses rangs. Les indépendantistes en attendent donc peu de choses. On ne peut cependant que se réjouir de la chute de Gomes, symbole de la colonisation de peuplement voulue par la France. En 1972, le Premier ministre, Pierre Messmer, avait signé une circulaire incitant à l’émigration familiale en Nouvelle-Calédonie pour maintenir les Kanaks en minorité dans leur pays. Les parents de Gomes, rapatriés d’Algérie en 1962, ont émigré en 1974 avec leur fils de 15 ans. De passage à Paris, Louis Kora Uregei, président du Parti travailliste et élu au congrès, a participé à un forum dans le cadre de la Semaine anticoloniale. Il a rappelé que le gouvernement Gomes a tout fait pour dévoyer le principe du transfert des compétences. Par exemple, l’enseignement vient d’être transféré au territoire, mais l’État colonial garde le contrôle sur la validation des diplômes et sur les programmes… seule la gestion du système éducatif est donc transférée. Rien n’est prévu pour la suite même si d’après l’accord de Nouméa, toutes les compétences, exceptées les compétences régaliennes2, doivent être transférées au territoire d’ici 2014. Le Parti travailliste, au congrès comme dans les communes, poursuit donc son combat pour l’indépendance lors du référendum prévu à partir de 2014. La population kanak, peuple autochtone, est toujours minoritaire sur son territoire (40 % des 246 000 habitants), plus de 30 000 nouveaux électeurs se sont inscrits sur les listes électorales sans droit de vote pour le référendum car ils sont arrivés sur les territoire après 1998, date du gel du corps électoral. Le PT dénonce donc avec vigueur la poursuite de la colonisation de peuplement. C’est pour retrouver leur dignité, pour avoir accès à l’emploi et à la formation, pour récupérer les terres dont ils ont été spoliés que les Kanaks se battent pour l’indépendance. Le NPA les soutient dans ce combat. 1. Union calédonienne – Front de libération kanak socialiste2. Défense, justice, ordre public, monnaie et affaires étrangères
Les intérêts économiques de la France en Côte d’Ivoire...
Cinquante ans après l’indépendance, la France contrôle toujours la plus grande part des infrastructures et détient les réserves de devises étrangères, constituant ainsi une zone « franc » comprenant quatorze nations. Les « accords de coopération » signés après l’indépendance par feu le président Félix Houphouët-Boigny et le Premier ministre français d’alors, Michel Debré, sont techniquement toujours valides. Les privilèges de la France sont confirmés dans un rapport d’une commission des Nations unies. Selon ses sources, les Français possèdent 45 % des terres et, curieusement, les bâtiments de la Présidence et de l’Assemblée nationale ivoirienne sont l’objet de baux à loyer avec la France. Le rapport ne fait qu’effleurer la question de la domination des intérêts français en Côte d’Ivoire mais ils ne sont pas difficiles à identifier. Voici les principaux acteurs du monde des affaires français en Côte d’Ivoire :- Bolloré, la compagnie de transport maritime française dominante et principal opérateur des transports maritimes en Côte d’Ivoire avec Saga, SDV (Switched Digital Video), Delmas, contrôle le port d’Abidjan, principal port de transit de l’Afrique de l’Ouest. Bolloré contrôle aussi le chemin de fer ivoirien et burkinabé, Sitarail. Bien qu’elle se soit récemment retirée du cacao, elle garde une position dominante dans le tabac et le caoutchouc. - Bouygues, chef de file dans la construction et les travaux publics, domine les projets de construction ivoiriens des autoroutes et des barrages, financés par des fonds publics et construit par le gouvernement. Depuis l’indépendance de la Côte d’Ivoire, elle a été la principale compagnie dans le domaine de la construction et des travaux publics (on trouve également Colas, au troisième rang des constructeurs de route en France). Bouygues, grâce à la privatisation, a obtenu des concessions additionnelles comme le contrôle de la distribution des eaux (Société des eaux de Côte d’Ivoire), de la production et de la distribution de l’électricité au travers de la Compagnie ivoirienne d’électricité et de la Compagnie ivoirienne de production d’électricité. Elle a aussi été impliquée dans l’exploitation récente du pétrole ivoirien. - Total, la plus grande compagnie pétrolière française, détient un quart des actions de la Société ivoirienne de raffinage pétrolier (numéro un en Côte d’Ivoire), possède 160 stations d’essence et contrôle le ravitaillement en bitume. - France Télécom (au septième rang des compagnies en France et chef de file dans le secteur des télécom) est le principal actionnaire de télécom de la Côte d’Ivoire et de la Société ivoirienne des mobiles (elle détient 85 % des capitaux) depuis l’octroi des concessions dans ce secteur, dans le contexte de la privatisation des entreprises publiques. - Dans le secteur bancaire et les assurances, on trouve la Société générale (sixième banque française et 55 succursales en Côte d’Ivoire) ainsi que le Crédit lyonnais et BNP-Paribas. Axa, deuxième compagnie la plus importante de France et leader du secteur des assurances, est présente en Côte d’Ivoire depuis la période coloniale. - Parmi les compagnies établies depuis longtemps en Côte d’Ivoire, il y a le Groupe de compagnies françaises de l’Afrique de l’Ouest-Côte d’Ivoire (CFAO-CI). Il opère dans de nombreux secteurs (automobile, pharmaceutique, nouvelles technologies, etc.). Pendant longtemps le CFAO a exercé un monopole sur les exportations et le commerce de détail. Ses profits (pas une seule année avec des pertes depuis sa création en 1887) ont conduit récemment le groupe Pinault-Printemps-La Redoute à s’en rendre acquéreur. - Le baron Ernest-Antoine Seillières a également des intérêts dans le pays, au travers de Technip dans le domaine pétrolier et Bivac qui a récemment installé un nouveau scanner dans le port d’Abidjan.La présence du capital français montre à quel point la Côte d’Ivoire est profitable. Et bien que l’investissement français direct se monte seulement à 3,5 milliards d’euros – les anciennes entreprises étatiques ayant été acquises à vil prix – le profit annuel est astronomique. (Article extrait de la revue Pambazuka numéro 174 : www.afriquesenlutte.org/afrique-de-l-ouest/cote-d-ivoire/article/france-cote-d-ivoire-les)
...comme en Tunisie !
Pour ce qui est de la défense des intérêts économiques français en Afrique, on voit clairement le lien entre amitiés diplomatiques et arrangements économiques. Les scandales autour des amitiés de la ministre des Affaires étrangères avec le régime de Ben Ali mettent en lumière le fait que politique et économie vont dans le même sens : celui de la défense des intérêts de la classe dirigeante française. Le grand capital international – surtout français et européen – arrivait très bien à s’arranger avec la mafia du pouvoir : il concluait ses affaires directement avec ses membres les plus éminents. À France Télécom-Orange, pour ne citer qu’un exemple, la filiale Orange Tunisie était à 49 % la propriété de l’entreprise française, mais à 51 % la propriété d’un gendre de Ben Ali, Marwan Mabrouk. Aujourd’hui, Mabrouk a fui le pays, et la multinationale française fait face à un léger problème… (Extrait de : Tunisie, les facteurs économiques et sociaux de la révolution, Bernard Schmid. http://survie.org/billets-d-afrique/2011/199-fevrier-2011/article/tunisie-les-facteurs-economiques) Domination économique : il faut annuler la dette !L’encours de créances de l’État français sur les États étrangers s’élève à environ 24 milliards d’euros. C’est un des moyens utilisés pour faire payer la crise à des pays maintenus sous domination. Quelques exemples de ce que « doivent » ces pays : Algérie : 571 millions d’eurosCôte d’Ivoire : 2 225 millions d’eurosÉgypte : 2 570 millions d’eurosIrak : 1 298 millions d’eurosMaroc : 1 250 millions d’eurosPakistan : 1 450 millions d’eurosTunisie : 967 millions d’euros Tous les chiffres sur : www.minefe.gouv.frRetrait de toutes les troupes françaises !En 2010, plus de 33 000 soldats français occupent différentes régions du monde. Quelques exemples : 2 500 dans l’océan Indien, 1 100 au Tchad, 1 800 en Côte d’Ivoire, 600 en Haïti, 4 000 en Afghanistan, 1 450 au Liban, 2 900 à Djibouti, 1 200 au Sénégal, 1 980 en Guyane, 1 700 aux Antilles, 1 660 en Nouvelle-Calédonie...
À bas l’idéologie coloniale !
Racisme et xénophobie, mode d’emploiBien sûr, la lutte des classes, ça leur fait peur. Alors, ils rusent.Pour le dominant, une seule solution : la division des dominés. Car si d’aventure, les prolétaires de tous les pays... Or, les moyens de « diviser ceux qui devraient être unis et d’unir ceux qui devraient être divisés », selon la formule du sociologue Saïd Bouamama, sont légion. Exciter les passions provoquées par des rapports de domination ou des antagonismes trompeurs (de sexe, de religion, d’origine...) que le rapport de classe n’abolit pas est une méthode éprouvée... Susciter, entretenir, alimenter le racisme et la xénophobie permet de faire croire à l’exploité que la victime du même système d’exploitation est un ennemi. Mieux encore, cette croyance peut conduire le dominé à se tourner vers le maître pour quêter son appui, avec le vague sentiment de se hausser d’un cran en ralliant son camp. Se bercer de l’illusion que l’on est supérieur à celui qui n’est pas né sur la même terre ou qui n’a pas la même couleur de peau aide à ne pas se sentir trop inférieur à celui qui, pourtant, n’hésite pas à vous pressurer. Toute revendication d’égalité des droits de la part de l’Autre est alors ressentie comme une menace, car s’il apparaissait comme ton égal, la domination que toi-même tu subis te reviendrait aussitôt en pleine face. La conviction d’être détenteur de droits spécifiques dont d’autres devraient être exclus est la justification d’une discrimination systémique dont la portée est plus bien plus grande que le simple empilement de discriminations multiples, toutes celles que maintes institutions prétendent combattre avec une dose variable d’hypocrisie. Hypocrisie de la part de l’État et de ses représentants qui, de vrais-faux dérapages verbaux en mise en œuvre de politiques migratoires ultra-restrictives et en multiples mesures discriminatoires, n’ont de cesse de construire et de renforcer le sentiment identitaire sur lequel repose l’édifice du racisme et de la xénophobie ; tout cela en contradiction flagrante avec le déploiement de leur rhétorique universaliste. Hypocrisie également de la part des employeurs qui veillent à dresser les salariés les uns contre les autres par le biais de mises en concurrence, que ce soit à l’embauche ou sur les salaires. Imagine-t-on seulement ce que cela donnerait si tous les salariés se montraient activement solidaires des sans-papiers surexploités et revendiquaient ensemble des conditions d’emploi également dignes ? On peut certainement regretter à cet égard que les organisations syndicales ne se montrent le plus souvent guère capables de prendre à bras le corps cette question du racisme comme aide à l’exploitation. Tout cela participe en fait de ce « racisme d’en-haut » ou « racisme froid » dont parle le philosophe Jacques Rancière. Se référant souvent avec emphase ici à l’universalisme des valeurs républicaines, là à la volonté d’intégration, ce racisme ne saurait se donner bien entendu comme tel. Mais il peut revêtir divers oripeaux. L’illustration la plus flagrante en est l’actuel déferlement de l’islamophobie. Mais sous quelque forme qu’il se présente, il nous appartient de le combattre, sans merci.
Reconstruire un mouvement antiraciste large et combatif !
L’offensive raciste a franchi un nouveau palier l’été dernier avec le discours de Grenoble et la stigmatisation explicite des Roms. Mais elle remonte au 21 avril 2002 qui a vu l’ouverture de la séquence sarkoziste. Jean-Marie a entrouvert la porte à Nicolas, celui-ci risquant bien de la rouvrir, à grands vents cette fois, à la fille Marine. D’abord comme premier flic de France omniprésent, puis comme président omnipotent, Le petit bonhomme n’a eu de cesse de se lancer dans une fuite en avant raciste et xénophobe pour son camp et sa clique, mais bien nécessaire à sa classe. Tout est bon : lois (sur la Burqa), dérapages contrôlés ou pas (Hortefeux et les Auvergnats), débats nauséabonds (sur l’identité nationale), nominations ronflantes (supers préfets issus du Raid), institutionnalisation (le ministère de l’Immigration), etc. Cette stratégie dépasse les calculs électoraux, même s’il s’agit tactiquement pour l’UMP de siphonner, sans succès à terme, l’électorat d’un FN quant à lui gagnant sur le terrain des idées et, un jour, électoral. Car cette stratégie répond fondamentalement à la situation de crise économique et politique. Nos dirigeants cherchent à se dédouaner de leurs responsabilités sur l’ennemi intérieur : sans-papiers, Roms, jeunes des quartiers, musulmans. Car c’est bien l’islamophobie qui constitue la forme dominante de racisme aujourd’hui, dans le cadre d’un choc des civilisations que les révolutions arabes mettent à mal. Cette stratégie vise à diviser l’ensemble des travailleurs, et s’intensifie en proportion des effets de la crise. Depuis quelques jours, c’est bien à une décalque française de la votation suisse sur les « Minarets » que nous assistons. Et ce n’est ni un PS suiviste, ni un PG laïciste, ni un PCF inaudible qui risquent d’affronter politiquement à cette offensive. La sphère médiatique, quant à elle, est désormais acquise aux discours décomplexés d’intellectuels très divers, bien au-delà des indigents et imposteurs de droite tels que Finkielkraut, sans parler des éditorialistes, Zemmour en tête de gondole des petits guichetiers affairés du racisme imbécile. Oui, la « lepénisation » des esprits s’approfondit. Face à cette offensive, ces dernières années, on a vu l’émergence de résistances : révolte des quartiers populaires, mouvements des collectifs et des grèves de sans-papiers, manifestation du 4 septembre 2010 après les déclarations sur les Roms, manifestation de Tours contre le FN en janvier 2011. Toutes ces mobilisations n’ont pourtant pas convergé dans la naissance d’un mouvement antiraciste de masse en capacité de se battre efficacement contre les politiques racistes de la classe dirigeante. Mais elles ont montré le potentiel existant. L’appel initié par Olivier Lecour Grandmaison « pour une mobilisation nationale et unitaire contre le racisme, la politique d’immigration du gouvernement et pour la régularisation des sans-papiers », devant déboucher sur une manifestation le 28 mai est un point d’appui. Le NPA a décidé de s’associer activement à cet appel pour contribuer à en faire l’outil de construction d’un mouvement antiraciste national en amont et en aval de la manifestation, en particulier dans la construction de collectifs locaux.
Rendez-vous anticoloniaux et antiracistes :
26 février : manifestation « Sortir du colonialisme », contre la guerre, le racisme, la xénophobie d’État. RV à 15 heures, place de la République, Paris.28 mai : appel à une mobilisation nationale et unitaire contre le racisme, la politique d’immigration du gouvernement et pour la régularisation des sans-papiers.