Le régime nord-coréen veut accéder au rang de puissance nucléaire. Dans une région déjà soumise à de très fortes tensions, chaque nouveau tir de missile a de lourdes conséquences géopolitiques.
Le 12 février dernier, la Corée du Nord a effectué un nouveau tir de missile de moyenne portée, l’engin terminant son vol au large du Japon. L’objectif semble clairement de tester la réaction de l’administration Trump, tout en profitant de la crise politique qui paralyse actuellement le gouvernement sud-coréen et de l’acuité des tensions entre Pékin et Washington.
Le régime nord-coréen est convaincu que son avenir dépend de sa capacité à construire un arsenal nucléaire opérationnel. D’octobre 2006 à septembre 2016, il a effectué cinq essais de bombes atomiques et développe un programme de missiles balistiques, préparant ostensiblement la mise au point d’engins intercontinentaux susceptibles d’atteindre les États-Unis. Pas de quoi inquiéter sérieusement le Pentagone vu les moyens d’interception déployés par les USA. En revanche, la politique « provocatrice » de Pyongyang a des effets de plus en plus déstabilisateurs en Extrême-Orient.
Ainsi, au nom du danger nord-coréen, Washington implante en Corée du Sud une base de missiles d’interception Thaad. Or, vu leur portée, ils seront susceptibles d’intervenir sur une grande partie du territoire chinois. Pékin considère donc que la Chine est en fait visée et que sa propre capacité de dissuasion nucléaire sera remise en question. La direction chinoise apprécie de moins en moins l’interventionnisme incontrôlable du président nord-coréen Kim Jong-un, alors que la situation régionale est explosive.
Jusqu’où ?
Ainsi, le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné à l’unanimité le dernier tir nord-coréen, avec cette fois l’accord de la Chine. Pékin a accepté d’appliquer des sanctions : les importations de charbon en provenance de Corée du Nord sont suspendues pour le restant de l’année. Un coup très rude pour l’économie du pays que l’agence de presse de Pyongyang dénonce violemment, y voyant l’acte d’un État ennemi « dansant sur la musique des USA ».
Pékin n’a aucune affinité politique ou idéologique avec le régime nord-coréen, bien au contraire. Elle ne le soutient que dans la mesure où, s’il s’effondrait, la péninsule traverserait une crise qui pourrait profiter à Washington, ou plonger la région dans le chaos. Pas question pour la direction chinoise que Pyongyang n’achève son programme nucléaire et augmente d’autan son pouvoir de nuisance.
Les conséquences géopolitiques déstabilisatrices du « facteur nord-coréen » se font déjà pratiquement sentir. Face à la menace que représente le « bouclier antimissile » Thaad, Pékin a décidé l’an dernier de déployer ses sous-marins dans les océans pour mieux protéger une partie de son arsenal nucléaire. Cette décision est plus facile à prendre qu’à mettre en œuvre : elle se heurte à de nombreuses difficultés techniques, financières, politiques, mais elle signifie que dorénavant, la direction chinoise juge que pour maintenir une force de dissuasion crédible, il lui faut constituer une capacité de seconde frappe (en réponse à une attaque dévastatrice de première frappe).
En Extrême-Orient, l’escalade militaire entre puissances prend aujourd’hui une dimension nucléaire.
Pierre Rousset