Publié le Jeudi 31 mars 2011 à 23h04.

Côte d’Ivoire. Levez le blocus !

La crise ivoirienne ne trouve pas d’issue. Le panel de l’Union africaine est incapable de contraindre Gbagbo à quitter le pouvoir et le blocus économique décidé par l’ONU, au lieu d’affaiblir l’ancien président, frappe la population déjà étranglée par la guerre entre Gbagbo et Ouattara. La reconnaissance par le panel de l’Union africaine d’Alassane Ouattara comme président de la République de la Côte d’Ivoire n’est pas une surprise. Seul le silence du président sud-africain Jacob Zuma – seul chef d’État parmi les cinq à être proche de Gbagbo – a étonné. Gbagbo se retrouve ainsi de plus en plus seul sur la scène africaine et internationale. En revanche, le panel a été incapable de répondre au mandat de l’Union africaine en n’indiquant pas les mesures contraignantes qui obligeraient Gbagbo à quitter le pouvoir. Aujourd’hui, la CEDAO qui regroupe les pays d’Afrique de l’Ouest, insiste pour que l’ONU intervienne avec ses 12 000 soldats, mais l’instance internationale considère que cette affaire doit être réglée au niveau africain. Bref, chacun se renvoie la balle, conscient de la difficulté du problème. L’inquiétude des gouvernements des puissances occidentales est que la Côte d’Ivoire risque fort d’embraser une région déjà très instable. En effet, le Bénin pourtant réputé pour sa stabilité démocratique, est en proie à des agitations contre les fraudes électorales du président sortant Boni Yayi, tout comme le Togo où les manifestions hebdomadaires se sont renforcées contre le projet de Faure Gnassimbé de réduire les libertés. Le Burkina Faso connaît une mobilisation de la jeunesse étudiante inégalée depuis une décennie, avec les facultés en grève contre le meurtre par la police d’un jeune étudiant. Même au Sénégal, l’accusation par le pouvoir d’un prétendu complot, visant à renverser Wade, traduit son inquiétude. En Côte d’Ivoire, en attendant, l’option des armes est choisie par les deux camps et l’on observe une escalade de la violence. À Abobo, Yopoungon ou Anyama, des quartiers à forte densité humaine d’Abidjan, les affrontements se font à coups de mortier et de lance-roquettes RPG 7. On compte des centaines de morts et près de 800 000 déplacés. La guerre continue aussi dans l’ouest du pays où les Forces nouvelles qui soutiennent Ouattara et les Forces de sécurité présidentielles se disputent les villes de Zouan Hounien, Toulepleu, Doké et Duékoué, causant des dégâts considérables parmi les populations civiles. Des dizaines de milliers de personnes se réfugient vers les pays frontaliers, notamment le Liberia, fuyant la guerre mais aussi les zones sous contrôle de l’un ou de l’autre camp, où arbitraire, violences et exactions restent le lot quotidien des populations. Le pays est victime du blocus économique décrété par la communauté internationale, afin d’étrangler financièrement le clan Gbagbo, mais la réalité est tout autre. L’opulence est toujours de mise pour les dignitaires du régime, par contre la situation devient dramatique pour les populations. Les paysans ne peuvent écouler leur production de café et cacao, principale richesse du pays, pour le plus grand plaisir des spéculateurs sur le marché international. La rareté des biens de première nécessité a entraîné un marché noir et une très forte augmentation des prix. Pire, désormais les accès aux soins sont quasiment impossibles comme les dialyses rénales, les trithérapies pour les personnes séropositives, etc. Des manifestations d’étudiants et de personnels de santé ont eu lieu devant le siège de l’OMS pour attirer l’attention sur la situation sanitaire du pays. Dans quelques semaines, plus aucune opération chirurgicale ne pourra se faire faute de médicaments. Mais cela n’empêche nullement l’Union européenne de continuer d'interdire aux navires civils remplis de denrées et de médicaments d’accoster dans les ports d’Abidjan ou de San Pedro. L’ONU ne fait qu’aggraver la situation des populations les plus pauvres, déjà victimes de la guerre entre Ouattara et Gbagbo, en refusant de lever l’embargo qui frappe la Côte d’Ivoire. C’est certainement lié au devoir d’ingérence… humanitaire.

Paul Martial