Le président en exercice, Alassane Dramane Ouattara, n’y voit que des côtés positifs : « La Constitution, c’est la garantie, une assurance-vie pour la paix. » Par ces mots, le chef d’État a évoqué le texte constitutionnel qu’il a fait soumettre aux votes de 6,3 millions d’électeurEs le 30 octobre dernier...
Manuel Valls, qui avait choisi de rendre visite à la Côte d’Ivoire précisément ce jour-là, a de son côté évoqué « le soutien de la France aux processus démocratiques » qui seraient selon lui en cours... En réalité, rien n’est moins sûr.
À commencer par le résultat : le pouvoir évoque officiellement un taux de participation de 42 %, avec une proportion de Oui de 93 %, ce qui n’est pas difficile à imaginer dans la mesure où toute l’opposition avait appelé au boycott et quasiment personne au vote Non. Du côté de l’opposition, le Front du refus, émanation de l’opposition plus radicale – 23 partis d’opposition et/ou organisations se réclamant de la société civile – parle, lui, d’une participation de l’ordre de 3 à 5 %. Et l’opposition plus modérée, l’Alliance des forces démocratiques de Côte d’Ivoire, évoque de son côté une participation de 6 à 7 %, évoquant un « fiasco total » pour le pouvoir.
Tous ces chiffres sont invérifiables. En revanche, ce qui est certain, c’est que l’approbation pour la nouvelle Constitution, censée ouvrir la voie vers une «IIIe République » selon le président, est bien moindre que celle de la Constitution précédente. Celle-ci avait été adoptée le 1er août 2000, suite à un référendum avec 56 % de participation et 86,5 % de Oui, marquant la transition démocratique après un coup d’État militaire intervenu à Noël 1999. Mais la transition aura fait long feu, puisqu’entre 2000 et 2011, la Côte d’Ivoire a été plongée dans une guerre civile, et le pays longtemps coupé en deux entre un nord contrôlé par Ouattara et un sud davantage acquis à Laurent Gbagbo (aujourd’hui en procès à La Haye).
Une Constitution taillée sur mesure
Ouattara est au pouvoir depuis avril 2011… après que des troupes françaises ont chassé du palais présidentiel son prédécesseur, Gbagbo. Cela faisait suite à une élection aux conditions contestées et aux résultats disputés... et c’est l’armée française qui a tranché le différend, cela au nom de la démocratie ! Pour celle-ci, l’histoire attendra, y compris sous Ouattara, réélu en octobre 2015 dans un scrutin en partie boycotté par l’opposition.
La nouvelle Constitution a été lancée par Ouattara avec une déclaration le 7 juin dernier. Il avait alors nommé un « comité d’experts » composé de dix personnes, qui n’ont fait en réalité qu’avaliser ses propres projets. Le nouveau texte crée un Sénat... dont un tiers des membres sera nommé par le président lui-même… Il introduit aussi un nouveau poste de vice-président, qui pourra remplacer le président en cas d’empêchement. Un dispositif qui servira avant tout à Ouattara à introniser un dauphin et à préparer, le moment venu, sa succession.
Mais le président, aujourd’hui âgé de 74 ans, n’est pas pressé. Ainsi a-t-il fait supprimer la limite d’âge pour une candidature présidentielle, jusqu’alors placé à 75 ans. Alors que la Constitution limitait le nombre de mandats à deux, Ouattara pourra se représenter à l’élection prévue en 2020, au nom de l’idée qu’il s’agira d’un nouveau scrutin dans une nouvelle République... Et la CEI (Commission électorale indépendante), qui fut jusqu’ici une institution relativement indépendante, est transformée en administration... sous contrôle du ministère de l’Intérieur. Voilà qui annonce de beaux trucages et manipulations…