Publié le Jeudi 22 décembre 2022 à 20h00.

Coup d’État parlementaire contre Pedro Castillo au Pérou : chronique d’une crise politique permanente

La victoire électorale de Pedro Castillo et de Perú Libre aux élections présidentielles de 2021 augurait de l’approfondissement de la crise politique péruvienne qui dure depuis plus de cinq ans avec la sauvagerie particulière des classes dirigeantes envers un leader syndical d’origine paysanne.

Contrairement aux expériences nationales-populistes récurrentes en Amérique latine, le projet de Castillo ne disposait pas d’une stratégie définie, d’une base populaire solide et d’une large majorité parlementaire pour mettre en œuvre les changements proposés lors de la campagne électorale.

Populisme de faible intensité et encerclement putschiste permanent

Face au manœuvres putschistes de l’ultra-droite, Castillo a choisi d’accorder constamment des concessions aux classes dirigeantes, au point d’enterrer les mesures minimales du programme de changements avec lequel il avait remporté le second tour des élections.

Castillo a fait échouer les deux premières motions de censure en établissant des accords avec les parlementaires de droite implantés en régions et avec une certaine bourgeoisie provinciale. Les mobilisations antigouvernementales auxquelles l’extrême droite a appelé n’ont réussi qu’à rassembler les vieux partis APRA et le Parti populaire chrétien (PPC), ainsi que certaines fractions de la classe moyenne et de la bourgeoisie de Lima. Un autre front de contestation politique a été constitué par le pouvoir judiciaire et le bureau du Procureur général de la nation, qui ont ouvert en un temps record 6 dossiers de poursuites contre le président Pedro Castillo. Le Congrès préparait une demande de suspension du président Castillo, mais cette voie n’ayant pas abouti c’est donc la troisième demande d’admission de la motion de censure présidentielle qui a été approuvée, par un second vote, le 7 décembre.

Une sortie précipitée et une crise qui continue

Face à la crise politique non résolue, Castillo décida la fermeture du Congrès putschiste sans bénéficier du rapport de forces politique nécessaire et sans le soutien populaire écrasant qui lui aurait permis de mener à bien son projet de mesure d’exception. La déclaration des forces armées contre la fermeture du Congrès a clarifié le rapport de forces. Le Congrès était prêt à approuver la troisième motion de censure présidentielle avec les votes favorables de certains membres du Congrès de Perú Libre, Nuevo Perú et du Parti magistral et populaire. Une fois le coup d’État parlementaire consommé, les policiers ont arrêté l’ancien président dans la préfecture sous l’accusation de rébellion, démontrant une fois de plus l’acharnement des classes dirigeantes péruviennes à l’encontre du leader syndical d’origine paysanne.

L’investiture présidentielle de Dina Boluarte, ancienne vice-présidente, est le produit de l’accord tacite des forces politiques du Congrès dans leur manœuvre de normalisation du coup d’État parlementaire consommé. Quelques mois auparavant, l’ultra-droite avait tenté de disqualifier le vice-président de l’époque pour des motifs absurdes, mais ces derniers jours, elle a reculé sur cette mesure afin de permettre le transfert du pouvoir présidentiel sans soulèvement populaire. Dina Boluarte a annoncé un gouvernement d’unité nationale, ce qui signifie en réalité une continuité néolibérale, peut-être maintenant à un niveau de rapprochement avec la technocratie et la droite traditionnelle.

 

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