C’est avec soulagement que les GazaouiEs en France et leurs soutiens ont pris connaissance de la récente décision de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) leur ouvrant la possibilité de demander l’asile.
Les massacres de masse commis à Gaza depuis octobre 2023 ont entraîné une hausse des demandes d’asile en Europe. Demander l’asile est possible, obtenir une réponse positive en est une autre. Dans le cas des PalestinienNEs, le droit à l’asile est entravé par un facteur historique.
L’UNRWA exclusivement
Au niveau de la protection humanitaire, le conflit né de la création de l’État d’Israël a été le seul à entraîner l’instauration d’une instance de secours spécifique, distincte du Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) de l’ONU (créé en 1950). L’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency) a été créé par la résolution 302 de l’AG de l’ONU du 8 décembre 1949. Elle vise à répondre aux besoins économiques des réfugiéEs et de leurs descendants, définis comme « toute personne qui a eu sa résidence normale en Palestine au moins pendant deux ans avant le conflit de 1948 et qui, en raison de ce conflit, a perdu à la fois son foyer et ses moyens d’existence et a trouvé refuge en 1948 dans l’un des pays où l’UNRWA assure des secours. Les réfugiés qui correspondent à cette définition et leurs descendants directs ont le droit à l’assistance de l’Agence s’ils sont enregistrés auprès de l’UNRWA, s’ils vivent dans une des régions d’opération de l’UNRWA, et sont dans le besoin » 1. L’UNRWA fournit des services sociaux, sanitaires et d’éducation aux personnes immatriculées. Il intervient au Liban, en Jordanie, en Syrie, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Le nombre de réfugiéEs palestinienNEs enregistrés est passé de 750 000 en 1950 à plus de 6 millions en 2023.
La Convention de Genève entrave l’asile des Palestiniens
Les réfugiéEs de Palestine sont les seuls excluEs du mandat du HCR, en vertu de l’article1 D de la Convention de Genève de 1951, qui dispose que la protection des réfugiéEs est déjà prise en charge par une autre instance : « Cette convention ne sera pas applicable aux personnes qui bénéficient actuellement d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations unies autre que le HCR. Lorsque cette protection aura cessé pour une raison quelconque sans que le sort de ces personnes ait été définitivement réglé, conformément aux résolutions adoptées par l’assemblée générale des Nations unies, ces personnes bénéficieront de plein droit du régime de cette convention ».
En France, l’article L.511-6 du code de l’entrée, du séjour et du droit d’asile dispose que : « Le statut de réfugié n’est pas accordé à une personne qui relève d’une des clauses d’exclusion prévues aux sections D, E ou F de l’article 1er de la Convention de Genève ». En d’autres termes, la convention de Genève exclut les PalestinienNEs tant qu’ils/elles bénéficient effectivement de l’assistance ou de la protection de l’UNRWA.
Deux décisions changent la donne
La première brèche dans l’exclusion des GazaouiEs enregistréEs auprès de l’UNRWA est venue de la Cour de Justice de l’Union européenne qui a rendu un arrêt le 13 juin 2024 définissant les clauses de cessation de la protection effective de l’UNRWA, notamment « l’assistance ou la protection de l’UNRWA doit […] être considérée comme ayant cessé […] lorsque […] cet organisme ne peut plus assurer à aucun apatride d’origine palestinienne […] des conditions de vie dignes ou des conditions minimales de sécurité »2.
La CNDA a rendu une décision le 13 septembre dernier, qui intègre ces considérants et, se basant sur des données documentées sur Gaza, dispose « […] il peut être considéré que l’UNRWA se trouve, dans la bande de Gaza, dans une situation telle qu’il ne peut assurer à aucun apatride d’origine palestinienne […] des conditions de vie dignes ou des conditions minimales de sécurité. Son assistance ou sa protection doit donc être regardée comme ayant cessé à l’égard de ces apatrides d’origine palestinienne dans la bande de Gaza »3.
Une décision importante qui fera jurisprudence et offre désormais à tout GazaouiE, enregistréE ou non auprès de l’UNRWA, la possibilité de demander l’asile et/ou un statut d’apatride en France.
Des attendus analogues avaient permis à des PalestinienNEs de Syrie de demander et d’obtenir le statut de réfugié et/ou d’apatride en France depuis 2012.
Maria Puccini