Le ras-le-bol face à l’autoritarisme du régime Moubarak, ainsi que la dégradation de la situation économique et sociale de la grande majorité de la population, a entraîné la multiplication des mobilisations dans les années précédant 2011...
Dans la foulée de la révolution tunisienne, des milliers d’Égyptiens se sont rassemblés au Caire sur la place Tahrir le 25 janvier 2011. Les mobilisations se sont ensuite multipliées dans l’ensemble du pays, et le 11 février le dictateur Moubarak était enfin destitué.Le grand mouvement d’émancipation des peuples de la région s’est ensuite heurté à une contre- révolution qui a pris des formes différentes selon les pays.
En Égypte, celle-ci est passée par la prise en main du pouvoir par l’armée dès le 11 février 2011, puis par les Frères musulmans, puis par une mainmise totale des militaires à compter du 3 juillet 2014. Un régime encore plus répressif que celui de Moubarak est désormais en place.
À la veille du cinquième anniversaire de la révolution égyptienne, les arrestations dans les milieux de la gauche politique et syndicale se multiplient. C’est par exemple le cas de Taher Mukhtar, médecin, militant pour l’accès à la santé, membre des Socialistes révolutionnaires, et actif dans la campagne BDS Égypte. Accusé de possession de publications appelant à la chute du régime ainsi que de participation et d’organisation de manifestations illégales, il risque aujourd’hui plusieurs années de prison.Toute opposition est réprimée de manière systématique depuis que le maréchal Sissi a pris le pouvoir en juillet 2013. En effet, les manifestations sont devenues illégales, la presse est muselée et toute personne qui s’oppose au régime est considérée comme terroriste...
Sissi : le système Moubarak, en plus répressif et plus violent
Les conditions de vie qui ont conduit au déclenchement du processus révolutionnaire sont toujours présentes. L’inflation annuelle est de 9,7 %, surtout due à la hausse des denrées alimentaires. Les réserves de la Banque centrale ne couvrent que deux mois d’importations, entravant les industries qui en dépendent. L’une des principales sources de devises, le tourisme, a été percutée de plein fouet par la répétition des attaques terroristes. Loin des grandes villes, en Haute-Egypte, dans les oasis ou au Sinaï, les conditions de la vie quotidienne sont de plus en plus insupportables. Contrairement à la Tunisie, l’armée est au centre du jeu politique en alliance étroite avec les milieux d’affaires. L’arrivée de Sissi au pouvoir symbolise pour la génération des révolutionnaires de 2011 le retour au système Moubarak, en plus répressif et plus violent.
On assiste à un certain découragement : en effet, celles et ceux qui ont cru au changement en 2011 se retrouvent confrontés à une situation bien pire qu’avant la révolution. Cette génération est aujourd’hui réprimée.Mais la politisation et la conscientisation qu’elle a connues depuis 5 ans est sans commune mesure avec celles d’avant le départ de Moubarak. Le régime n’a pas de réelle assise populaire. La jeunesse – et pas seulement celle qui a fait la révolution – reste imperméable aux discours du pouvoir. Bien que le régime ait recouru aux plus hautes autorités religieuses pour déconseiller de manifester pour l’anniversaire du 25 janvier, sur les réseaux sociaux les appels à se mobiliser se multiplient.Le régime ne pourra éternellement gouverner par la peur et la répression. Le processus ouvert en 2011 est loin d’être fini, même si le nouveau monde se fait encore attendre.
Du Caire, correspondantEs