Dans le contexte de la crise économique et politique persistante et de plus en plus aiguë du système capitaliste, nous assistons dans toute l’Europe à une montée de la droite populiste et de l’extrême droite.
En Allemagne, l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), parti populiste de droite et en grande partie d’extrême droite, devance avec 20 % dans les sondages d’opinion le SPD (17 %), le parti du chancelier (le SPD est dans une coalition avec les Verts, adaptés au néolibéralisme, et les néolibéraux purs et durs du FDP). Trois sources alimentent la montée de l’AfD.
Un tiers de la population xénophobe
Même après la défaite du fascisme, il existe dans la société allemande un courant de fond persistant, croyant en l’autorité et xénophobe, voire raciste, qui englobe environ un tiers de la population. En 1981, ce fait était l’objet d’une vaste étude (étude Sinus) et a été confirmée à maintes reprises depuis lors par plusieurs études ultérieures. Cette attitude de base découle du « mode d’existence capitaliste » (Erich Fromm), c’est-à-dire de l’insécurité sociale pour une grande partie de la population, et de la religion du système, à savoir la concurrence constamment prêchée et pratiquée et l’égoïsme qui en découle.
Cependant, longtemps, ce courant fondamental n’a pas pu s’affirmer en politique sous forme de parti. Cela était certes dû en partie à l’absence d’un leader (ou d’une dirigeante) charismatique, mais surtout au fait que les chrétiens-démocrates représentaient une partie de ces idées et que le SPD n’était pas non plus un rempart contre le racisme. Après tout, c’est lui qui a permis en 1993, en approuvant la modification de la Constitution, que le droit d’asile soit fortement limité.
Généralisation de l’emploi précaire
À l’insécurité générale du capitalisme s’est ajoutée au cours des vingt dernières années (en Allemagne de l’Est, même depuis la reprise par la RFA en 1990) une nette aggravation de l’insécurité sociale pour la moitié inférieure de la société (pour la majorité de la population d’Allemagne de l’Est). Depuis au moins dix ans, ce phénomène s’est accentué en raison de la généralisation de l’emploi précaire, de la crise du logement et, entre-temps, de la crise climatique.
Perte de crédibilité des partis
Depuis quelques années, la population fait l’expérience que la solution des problèmes est mise à la charge des citoyens (plus précisément des couches populaires) et qu’elle le sera encore plus à l’avenir. C’est ainsi que les prix de l’énergie et des denrées alimentaires ont considérablement augmenté l’année dernière et cette année, ce qui a des conséquences dramatiques pour les citoyens.
Ces dernières semaines, la loi sur le chauffage est venue s’ajouter à cette liste (la loi sera adoptée en septembre), de sorte que les loyers et les dépenses des propriétaires d’une maison individuelle augmenteront considérablement à partir de l’année prochaine.
Il en résulte depuis quelques de mois une énorme poussée de perte de crédibilité des « partis établis ». Seul l’AfD peut profiter de cette profonde crise de confiance. Ce parti est perçu comme la seule véritable opposition et il exploite cette situation à fond — à l’aide de la démagogie populiste de droite.
Il s’agit d’une crise de la représentation, donc d’une crise des partis, mais pas encore d’une crise institutionnelle comme celle décrite par Hélène Marra1pour la France.
Le parti Die Linke n’est pas perçu comme une alternative. En tant que parti réformiste, il participe au gouvernement dans trois Länder (il a même le chef du gouvernement en Thuringe). De plus, il est divisé et pourrait se scinder prochainement (éventuellement dès cette année). Avec Sarah Wagenknecht à sa tête, il ne s’agira pas d’une scission vers la gauche, mais vers la droite.
- 1. Hélène Marra, « Pour une démocratie insurrectionnelle », l’Anticapitaliste, la revue n° 146, mai 2023.