Publié le Vendredi 4 février 2022 à 08h00.

Enseignement en Belgique : nous ne pouvons plus faire « comme si… »

Le 10 février prochain une « sorte » de grève est annoncée dans l’enseignement en Belgique. Une « sorte » parce que, nous, les enseignantEs avons appris la nouvelle par la presse. Depuis deux ans, la présence syndicale dans les écoles est très discrète. Elle se limite à quelques mesures de sécurité au travail mais les assemblées générales se font rares et pourtant, la situation est loin d’être « normale », ou même acceptable.

Depuis deux ans, l’école et les principaux et principales acteurEs qui la portent, les enseignantEs, ont reçu un double discours, des mesures incohérentes et des injonctions paradoxales. On est passé de « Il n’y a pas de transmission dans les écoles » à « les écoles sont le principal cluster de la pandémie et les enfants doivent porter le masque à partir de six ans ». Les enseignantEs ? Des « héros au quotidien » aux « paresseux qui veulent des vacances pendant que les enfants sombrent » ; et l’école, d’endroit « d’éducation, d’épanouissement et de socialisation » à un parking pour les enfants dans le but de libérer les travailleurEs pour que la production et l’économie ne s’arrêtent pas. 

Les enseignantEs n’ont jamais arrêté de travailler

Il faut souligner le fait que pendant la pandémie, les enseignantEs n’ont jamais arrêté de travailler. Le ministère nous a demandé du jour au lendemain, à chaque moment difficile de la crise, de : travailler à distance, travailler en hybride, travailler 50 % du temps en classe et 50 % à la maison, travailler avec des demi-groupes, travailler avec 20 % des groupes, travailler avec masque, travailler en gardant les distances, garder les classes et les écoles ouvertes lorsque notre classe est à moitié en quarantaine, lorsque la moitié de nos collègues sont absentEs…

Et pourtant, pendant ces deux années, à aucun moment, nous n’étions considéréEs comme prioritaires, ni pour la vaccination ni pour l’éloignement de collègues ayant des conditions médicales dangereuses. Aujourd’hui encore, les écoles ne font pas partie du fameux baromètre. Nous faisons toujours comme si…

À l’instar des travailleurEs dans les hôpitaux, ce glissement de considérations héroïques au départ à du dénigrement systématique s’est fait à petits coups de déclarations politiques à chaque fois que les enseignantEs commencent à se plaindre, à montrer leur ras-le-bol ou à mettre en doute les mesures jugées inadaptées ou insuffisantes. Les enseignantEs en ont aussi marre du manque de transparence des décisions, du manque de concertation et de consultation des principaux acteurs et actrices de terrain, des décisions qui viennent à coup de circulaires tout en balayant les dernières miettes de démocratie dans les écoles.

Des réformes, toujours des réformes

Il est faux de penser que cette inactivité à l’égard des enseignantEs est due à une incapacité des gouvernements à agir faute de moyens ou parce qu’ils ont été surpris par la pandémie. Pendant ces deux années, deux réformes très importantes ont été votées et appliquées, trois si nous comptons le changement des rythmes scolaires. La première, le Pacte pour un enseignement d’excellence, est déjà appliquée dans les écoles. La deuxième, appelée « Réforme de la formation des enseignants » (RFIE), sera appliquée à partir de la rentrée 2023.

Cette RFIE, qui introduit un allongement de la formation des enseignantEs de trois à quatre ans, a finalement été votée sans être budgétée et sans une revalorisation barémique du métier. Alors que nous savons qu’il y a une énorme pénurie d’enseignantEs, en partie à cause des conditions décrites ci-dessus (et qui étaient déjà là avant la pandémie) et que ces conditions ont fait fondre l’attractivité du métier auprès des jeunes, nous nous demandons qui voudra faire un an supplémentaire d’études avec le même salaire dans un métier méprisé par les politiques néolibérales et la société ?

Le paysage que nous décrivons ici n’a rien de réjouissant. Mais nous ne baissons les bras ! Nous ne voulons pas être traitéEs comme des héros et des héroïnes, mais nous ne sommes pas démuniEs non plus. 

Avec la Gauche anticapitaliste, nous défendons la nécessité pour les enseignantEs de s’organiser dans des assemblées générales, ouvertes à touTEs les affiliéEs et décisionnelles, en autonomie totale vis-à-vis du pouvoir organisateur et des prétendus « amis politiques » des directions syndicales.

Deux ans après le début de cette pandémie, nous ne pouvons plus faire comme si tout était normal ! Deux ans après, nous revendiquons des mesures fortes à la hauteur de nos besoins et des besoins de nos élèves !