Publié le Mercredi 4 avril 2012 à 16h48.

État espagnol : « il faudra paralyser le pays »

Le 29 mars, des millions de personnes étaient en grève et manifestaient contre la réforme du code du travail que veut imposer le gouvernement de droite. Entretien avec Raul Camargo, membre du secrétariat confédéral de Izquierda Anticapitalista.

Quel bilan faites-vous de la journée de grève générale du 29 mars dernier ? Le bilan est très positif. Les prévisions les plus optimistes ont été dépassées. C’est un succès incontestable. Pourtant, lorsque le gouvernement avait annoncé la contre-réforme du code du travail, la réaction des grandes centrales syndicales (CCOO1, UGT2) a été très timorée. Elles insistent plus sur le manque de volonté du gouvernement de négocier que sur les revendications. Elles n’avaient en réalité aucune intention d’aller plus loin. Mais les mesures de la réforme du code du travail sont d’une telle agressivité contre les droits des travailleurs : liquidation de presque tous les droits, même des négociations collectives, qu’il devient difficile d’esquiver la mobilisation.Quelles sont les principales attaques contenues dans cette contre-réforme ?C’est l’instauration du licenciement libre et presque sans aucune indemnisation. Un patron qui dira avoir subi des pertes pendant trois trimestres consécutifs, ou même une simple baisse de ses bénéfices, pourra licencier avec une indemnisation qui ne sera jamais supérieure à 20 jours par année travaillée avec un maximum de douze mensualités. Et cela même pour des salariés qui travaillent depuis 20 ou 30 ans. C’est une attaque sans précédent !En cas de pertes sur les trois derniers trimestres, les patrons pourront également modifier unilatéralement les conditions de travail des salariés. Du jour au lendemain, l’employeur peut donc augmenter le temps de travail ou réduire les salaires. C’est également la remise en cause des conventions collectives.Quelles sont les perspectives après le 29 mars ? Comment empêcher cette réforme ?C’est une participation bien plus importante que pour la grève générale du 29 septembre 2011, avec des manifestations qui sont deux à trois fois supérieures. Il y a eu des manifestations dans toutes les capitales de province3. Les syndicats revendiquent 3 millions de manifestants et 10,5 millions de grévistes. Dans de petites villes comme Santander, Jijon, Grenade ou Alicante les cortèges ont été énormes. À Santander, il y a eu 60 000 manifestants alors que la ville compte moins de 400 000 habitants. Il y a un refus clair de la réforme du code du travail qui s’est exprimé, même chez une frange de votants du PP4.Pour empêcher cette réforme imposée par Bruxelles, il faudra une période soutenue et croissante de mobilisations et de grèves. Cette journée du 29 mars ne sera pas suffisante ni même une autre journée de grève générale. Il faut que toutes les deux ou trois semaines, il y ait des manifs, des occupations d’administrations, des sièges des grands groupes. Il faut des grèves reconductibles des secteurs comme celui des transports pour aller vers des blocages comme ceux des raffineries en France. Il faudra paralyser le pays.Le 1er congrès de Izquierda Anticapitalista5 se tient juste après cette gréve générale de 24 heures, qu’est-ce que cela change pour vous ?Cela ouvre un espace pour renforcer les anticapitalistes. Il y a de plus en plus de sympathie pour ce que nous disons et faisons. Lors de la dernière manifestation à Madrid, notre cortège était l’un des plus gros pour les organisations politiques. Il n’y a pas de futur sans luttes, sans contestation et sans organisation. Cela devrait se faire sentir y compris d’un point de vue organisationnel. Notre présence publique comptera ainsi que notre implantation dans la classe ouvrière et la jeunesse. Cela favorise aussi les forces antilibérales comme IU6 qui sont plus crédibles électoralement pour punir le PP sans voter pour le PSOE. Pour autant, notre crédibilité se renforce dans la rue, nous faisons même parfois jeu égal comme à Madrid. Nous avons un double objectif : augmenter le nombre de militants dans les entreprises ainsi que notre présence syndicale (nous sommes surtout présents dans les CCOO et dans une moindre mesure à la CGT7) et approfondir notre implantation dans la jeunesse où nous avons un poids réel. D’ailleurs, en juillet prochain, se tiendront à Besalu (Catalogne), les Rencontres internationales des jeunes (RIJ)8. Dans cette période de crise du système capitaliste, nous profiterons de cette occasion pour échanger, discuter des perspectives d’actions... tout en faisant la fête.

Propos recueillis par Pedro Cine1. Commissions ouvrières historiquement liées au PCE.2. Union générale des travailleurs historiquement liée au Parti socialiste ouvrier espagnol3. Les provinces : découpage administratif qui correspond à nos départements.4. Parti populaire : parti au pouvoir, qui appartient à la droite la plus réactionnaire n’ayant pas encore totalement rompu avec la période franquiste.5. Gauche anticapitaliste, section de la ive Internationale.6. Izquierda Unida : Gauche unie, coalition dominée par le PCF qui a progréssé lors des dernières élections, notamment en Andalousie.7. Syndicat de mouvance anarcho-syndicaliste.8. Pour s’y inscrire : http://npa.jeunes.free.fr/spip.php?