Publié le Lundi 9 novembre 2020 à 11h06.

États-Unis : quel que soit le vainqueur, cette élection n’est pas la fin du trumpisme

Joe Biden et les démocrates ont fermement refusé d’articuler une vision politique alternative convaincante à la politique réactionnaire de droite de Donald Trump. Trump semble avoir perdu, mais sans créer une alternative pour le vaincre, le trumpisme pourrait revenir en force dans quatre ans.

Les résultats sont encore en cours de dépouillement, mais la compétition électorale entre Donald Trump et Joe Biden est bien plus serrée que ne l’avaient prédit les sondages. On estime à 160 millions le nombre de votes exprimés, ce qui représente un taux de participation de 67 %, un niveau jamais atteint depuis l’élection de 1900.1

Pour l’instant, nous attendons toujours les résultats finaux d’un certain nombre d’États clés. Mais quels que soient les résultats, ce dont nous sommes sûrs, c’est que l’élection de 2020 ne marquera pas la fin du trumpisme, même si, comme cela semble de plus en plus probable, Trump lui-même finit par perdre l’élection. Malgré son incompétence et son insensibilité face à la pandémie et à la crise économique, qui ont quelque peu érodé son soutien, Trump a conservé le soutien d’une minorité importante d’électeurs américains.

Grâce à un système électoral très antidémocratique, il est peu probable mais néanmoins possible que cette minorité lui permette de rester au pouvoir (il n’y a pas de scénario à ce stade où Trump remporte le vote populaire national2). Mais même avec une victoire de Biden, la base de Trump ne va nulle part. En particulier, on peut s’attendre à ce que certains des partisans d’extrême droite de Trump, enhardis par sa rhétorique raciste et xénophobe, intensifient leur activité au lendemain de l’élection.3

De plus, le Sénat restant probablement sous le contrôle des républicains et le système judiciaire étant rempli de haut en bas de personnes nommées par Trump (pas seulement la Cour suprême), les partisans de Trump conserveront de nombreuses possibilités d’exercer le pouvoir4. Il a refusé catégoriquement de proposer une vision globale et progressiste pour répondre aux questions brûlantes de l’heure, comme le changement climatique, la crise économique, la justice raciale, les soins de santé, etc. Biden s’est même vanté à plusieurs reprises d’avoir battu des candidats comme Bernie Sanders qui proposaient ce genre de vision précisément parce qu’il la rejetait.5

 

Mais en rejetant une vision plus large, et en ne faisant guère plus que promettre un retour à la « normale », un président Biden risquerait de revenir au type même de politique qui a jeté les bases de Trump.6 Le phénomène Trump est le symptôme d’une crise profonde de la représentation politique aux États-Unis. Aucun des deux grands partis ne peut répondre aux préoccupations de la grande majorité des Américains : sécurité économique, soins de santé, emploi. Trump a peut-être échoué lamentablement dans chacun de ces domaines et n’a jamais eu l’intention d’y répondre en premier lieu, mais au moins il a parlé de ces questions d’une manière qui a trouvé un écho auprès d’une partie importante et désespérée de la population.7

Pendant ce temps, le Parti démocrate, qui est censé représenter les intérêts des électeurs des classes ouvrières et moyennes, a, au moins depuis l’époque de Bill Clinton, promu des politiques qui ont négligé leur base ostensible au profit d’un rapprochement avec Wall Street. En 2016, le parti a payé le prix de ces politiques, car certains électeurs blancs de la classe ouvrière du Midwest sont passés à Trump, tandis que de nombreux électeurs de couleur désabusés sont restés chez eux, dégageant ainsi le chemin étroit de Trump vers la victoire8. En l’absence d’une vision politique progressiste convaincante de la part de Biden, il est probable que nous assisterons au retour d’une forme amplifiée de trumpisme dans quatre ans.

Bien entendu, personne ne doit se faire d’illusions sur la capacité de Biden ou du Parti démocrate à faire avancer le type de vision politique large dont nous avons besoin actuellement. Cela dépendra entièrement du genre de dynamique que la gauche peut générer dans les rues pour imposer des choses comme l’assurance maladie pour tous, un New Deal vert, le défraiement de la police, et bien d’autres choses encore, sur l’agenda politique.

Ceux qui, à gauche, ont soutenu Biden à contrecœur en 2020 ont fait valoir qu’il créerait un terrain d’organisation plus favorable9. Avec Biden comme vainqueur probable, il est temps de se mettre au travail pour façonner ce nouveau terrain.

5 novembre 2020. Traduit avec www.DeepL.com/Translator, relu par Antoine Larrache.

  • 1. Cet article a été écrit le 5 novembre. AP 3 novembre : « La présidence repose sur des courses serrées dans les États du champ de bataille ».
  • 2. Jacobin, 13 Ocober 2020 “We Still Need to Abolish the Electoral College”.
  • 3. Los Angeles Times 30 September 2020 “Q&A: What is President Trump’s relationship with far-right and white supremacist groups? ”.
  • 4. CNN Politics 4 novembre « Les républicains réduisent fortement le chemin des démocrates vers la majorité au Sénat en conservant les sièges clés du GOP ».] Quant à Trump lui-même, nous ne pouvons pas exclure la possibilité qu’il continue à faire campagne pour pouvoir se présenter à nouveau. Quant aux démocrates, ils n'ont aucune vision politique cohérente pour contrer le trumpisme. Le seul message de Biden durant la campagne était qu'il n'était pas un atout [The Hill, 15 septembre 2020 "Biden's 'not Trump' strategy playing out perfectly - partly thanks to Trump".
  • 5. Business Insider 2 September 2O020 ”’I beat the socialist’: Biden reminds voters ’worried about socialism’ that he won the party nomination, not Bernie Sanders”.
  • 6. The Guardian 9 November 2016 “It was the Democrats’ embrace of neoliberalism that won it for Trump ”.
  • 7. Jacobin, 22 November 2016 “LIstening to Trump”.
  • 8. Catalyst Spring 2012 “The Great God Trump and the White Working Class and The New York TImes 20 Novemeber 2016 ”“Many in Milwaukee Neighborhood Didn’t Vote — and Don’t Regret It”.
  • 9. The Call 26 October 2020 “This Time is Different: Socialists and the Lesser Evil”.