Mercedes-Benz a réussi à mettre en échec l’United Auto Workers (UAW) lors d’un vote organisé dans l’usine de Tuscaloosa, en Alabama. Le président de l’UAW, Shawn Fain, considère cette défaite comme un revers temporaire dans le projet du syndicat de syndiquer l’industrie automobile des États du Sud.
« Nous avons mené le bon combat et nous allons continuer à aller de l’avant », a déclaré Fain. « Je crois que les travailleurEs veulent des syndicats, je crois qu’ils veulent la justice, et nous allons continuer à faire ce que nous pouvons. En fin de compte, ces travailleurs vont gagner ».
Le vote, qui s’est déroulé du 13 au 17 mai, a donné 2 045 voix pour le syndicat et 2 642 voix contre, sur les 5 075 travailleurEs habilités à voter. En fait, dans le sud qui compte peu de syndicats, où les politiciens sont farouchement antisyndicaux et alors que Mercedes a mené une campagne intense contre l’UAW, ce n’est pas un mauvais résultat.
Succès ralenti
L’UAW avait le vent en poupe, après avoir remporté la première grève nationale contre les trois grands constructeurs automobiles américains – GM, Stellantis et Ford – puis une campagne de recrutement réussie chez Volkswagen à Chattanooga, dans le Tennessee. Aujourd’hui, on peut considérer que cette marche en avant a été ralentie, mais pas arrêtée.
La gouverneure de l’Alabama, Kay Ivey, avait exhorté les travailleurEs à voter contre le syndicat. « Nous pourrions bientôt être confrontés à une autre décision décisive lorsque l’UAW demandera à près de 50 000 Alabamiens [elle parle d’autres travailleurs de l’automobile] de se prononcer : “Voulez-vous continuer à bénéficier d’opportunités et de succès à la manière de l’Alabama ? Ou voulez-vous que des intérêts particuliers extérieurs à l’État dictent à l’Alabama comment faire des affaires ?” Pour moi, le choix est clair ».
Federico Kochlowski, qui est devenu président-directeur général de Mercedes-Benz U.S. International (MBUSI) le 30 avril 2024, a mené une campagne virulente contre l’UAW. Il a supervisé la diffusion de vidéos et de courriers antisyndicaux, ainsi que des réunions à audience captive au cours desquelles les dirigeants de l’entreprise ont fait valoir que les travailleurEs seraient stupides d’adhérer au syndicat.
Plainte de l’UAW pour entrave à une élection syndicale libre et ouverte
L’UAW a porté plainte pour pratiques déloyales de travail auprès du National Labor Relations Board, accusant l’entreprise de s’être livrée à des déclarations et à des manœuvres coercitives afin d’empêcher les travailleurEs d’exercer leur droit à une élection syndicale libre et ouverte. L’UAW accuse aussi Mercedes de licencier et de refuser d’embaucher des salariéEs favorables au syndicat.
L’UAW a également porté plainte auprès du gouvernement allemand, affirmant que Mercedes avait violé la loi allemande sur les obligations de diligence raisonnable des entreprises dans les chaînes d’approvisionnement (une loi allemande qui impose aux entreprises de prendre des mesures pour éviter les attentes aux droits humains et à l’environnement). L’administration Biden s’est également entretenue avec le gouvernement allemand au sujet des allégations de l’UAW concernant l’élimination des syndicats.
Objectif : renforcer le syndicat
Bien que le syndicat ait perdu cette fois-ci, on s’attend à ce qu’il continue à se battre. Harley Shaiken, professeur de droit du travail à l’université de Californie à Berkeley, a expliqué que l’UAW avait auparavant perdu deux fois à l’usine Volkswagen du Tennessee, et que lors d’une première défaite chez VW en 2014, 53 % des travailleurs avaient voté contre le syndicat. Mais cette année, 73 % ont voté pour le syndicat. « Je ne doute pas qu’ils continueront à s’organiser et qu’ils finiront par tenter d’obtenir un nouveau vote », a-t-il déclaré.
Un ouvrier de Mercedes a parlé à Labor Notes : « Nous allons essayer de comprendre ce que nous avons fait de mal, où nous avons raté le coche », a déclaré Robert Lett. « Nous essaierons de trouver comment nous renforcer pour la prochaine fois. Car il y aura une autre fois. Nous n’allons pas simplement hausser les épaules et nous en aller. Nous connaissons cette entreprise. Nous savons qu’elle accorde plus d’importance à ses profits qu’à ses employés ».
La campagne de syndicalisation continue dans le sud
L’UAW a alloué un budget de 40 millions de dollars à la syndicalisation et cherche à organiser d’autres usines dans le sud également. Le syndicat doit devenir plus grand et plus fort s’il veut faire face à l’industrie lors de la transition vers les véhicules électriques. Des campagnes de syndicalisation sont en cours dans une usine Hyundai à Montgomery, en Alabama, et chez Toyota Motor à Troy, dans le Missouri.
Les gouverneurs républicains du sud se sont unis pour s’opposer au syndicat, tandis que le président (et candidat à sa réélection) Joe Biden a fait l’éloge de l’UAW. Le candidat à la présidence Donald Trump a ridiculisé le président de l’UAW, Shawn Fain, en le qualifiant de stupide, tout en insistant sur le fait qu’il aimait les travailleurEs de l’automobile et que l’UAW ferait mieux de l’approuver, faute de quoi elle disparaîtrait. C’est bien sûr de l’esbroufe. Mais peu importe, Shawn Fain affirme que l’UAW ne se laissera pas décourager.
Dan La Botz, traduction Henri Wilno