Publié le Vendredi 30 mai 2014 à 17h00.

Europe : après le 25 mai

Au lendemain des élections européennes, l’Anticapitaliste ouvre ses colonnes à nos correspondants internationaux. Petit tour d’horizon de la situation sociale et politique dans différents pays emblématiques du vieux continent... État espagnol : tsunami politique, c’est n’est qu’un début !Ces élections ont été un véritable tremblement de terre politique de plusieurs points de vue...Elles ont d’abord confirmé l’effondrement du bipartisme, car le Parti populaire (PP, droite) a perdu plus de deux millions et demi de voix et le PSOE (Parti socialiste) presque trois millions... Ensuite, parce que la percée de Podemos (« On peut ») est spectaculaire, et que son score global (7,96 %) n’est pas loin de celui d’Izquierda Unida (9,99 %) et même supérieur à Madrid (11,2 %), en Aragone (9,5 %), dans les Asturies (13,67 %), dans les Baléares (10,3 %), en Cantabria (9,2 %), des communautés où Podemos est donc devenu la troisième force politique. Pour résumer, Podemos, un mouvement politique né il y a quatre mois, qui compte plus de 400 comités de base, mais sans autres sources de financement que les collectes participatives (« crowd fundings ») et les souscriptions populaires, est devenu la quatrième force politique de l’État espagnol. En Catalogne, il y a eu une victoire des forces qui soutiennent l’auto­détermination et le droit des peuples à décider de leur destin. Esquerra Republicana est en tête pour la première fois depuis la Deuxième République, et la droite nationaliste connaît un début de crise, et peut perdre son hégémonie politique et sociale à cause des politiques d’austérité menées depuis 2010. L’effondrement du PSOE est historique, à tel point que dans plusieurs régions et communautés, l’addition des voix Podemos-Izquierda Unida dépasse le PS...

Un 15M politique !Podemos apparaît comme le parti du mouvement 15M (les IndignéEs), avec un discours anti-austérité décomplexé, contre la « caste politique », pour un audit de la dette publique, partisan d’un vrai processus constituant, et en lien avec Tsipras et Syriza au niveau européen. C’est la première fois depuis la fin de la dictature franquiste que les mouvements sociaux les plus radicaux ont trouvé un vrai débouché politique et un outil qui n’est peut être n’est pas ouvertement anticapitaliste, mais dans lequel la gauche anticapitaliste et révolutionnaire joue un rôle clé. Les résultats électoraux ouvrent une brèche énorme dans la gauche de l’État espagnol sur trois points. Le monopole électoral à la gauche du PSOE du PC, puis de Izquierda Unida est rompu. C’est la première fois que les marxistes révolutionnaires ont des éluEs et qu’ils jouent un rôle majeur dans un processus de recomposition de la gauche avec une influence de masse, même si Podemos reste très hétérogène et encore très ambigu sur beaucoup de questions stratégiques clés. Le monopole de la gauche indépendantiste basque, comme seule force de masse anti-régime et ouvertement pour la rupture, même au delà du Pays basque, est aussi rompu. Sous l’effet de la violence politique, ce courant avait galvanisé et polarisé beaucoup de militantEs radicaux de tous courants de gauche durant plusieurs décennies. Enfin, Podemos apparaît comme une force qui veut bouleverser toute la scène politique et lutter ouvertement pour devenir majoritaire, tout en défendant en même temps une démarche unitaire. Podemos veut être candidat au pouvoir en s’appuyant sur les mouvements de masse : un outil pour une rupture démocratique. Enfin, résultat de l’effet Podemos, le populisme et l’extrême droite sont bloqués ! Une donnée très positive est que, malgré la consolidation d’UPD (un parti réactionnaire, centraliste et populiste) avec 4 élus, le score important de Podemos a bloqué jusqu’à un certain point la progression d’options populistes ou même d’extrême droite (Vox et autres). C’est très important dans ce contexte de décomposition de la base sociale des partis traditionnels, notamment du PSOE, et en particulier dans les quartiers populaires.

Tâches et problèmes des révolutionnairesLe terme qui résume assez bien la situation des camarades d’Izquierda Anticapitalista investis dans Podemos (une des nouvelles députés européennes en est membre) est celui de « débordement » : sur fond d’enthousiasme et de fatigue extrême, la situation grave nous oblige encore à assumer d’énormes responsabilités politiques, peut-être même les plus importantes depuis l’époque de la Révolution espagnole. Il faut aujourd’hui participer à la construction de Podemos comme parti pluraliste, démocratique et militant implanté dans les luttes de masse, en préparant le Congrès d’automne et en construisant une direction par en bas pour limiter les dangers bonapartistes et substitutistes de la direction actuelle. Il s’agit aussi d’encadrer des milliers de militantEs qui ont pris ou prennent contact et qui vont arriver dans les groupes de base dans les jours et semaines qui viennent.Nous devons essayer de réfléchir sur la façon dont la percée électorale de Podemos peut aussi aider à une recomposition et à un rassemblement de la gauche syndicale, sous l’impulsion aussi des « Marches de la dignité » de mars dernier. Préparer nos propres rangs au tournant politique que nous sommes en train de vivre et nous organiser pour les prochaines échéances électorales font aussi partie de nos tâches.Enfin nous devons être capables d’avoir une activité politique propre à Izquierda Anticapitalista, à commencer cet été par notre cinquième université d’été, pour un renforcement significatif de nos propres rangs.

De Barcelone, Andreu CollGrèce : des résultats contradictoiresAprès le 1er tour des municipales et régionales le 18 mai (1), plusieurs tendances se dégageaient : rejet de la politique de la troïka mais aussi résistances du système bourgeois localiste. Le second tour a confirmé ces contradictions.

Il y a d’abord la forte poussée à gauche : si Athènes reste à la troïka intérieure, Syriza, avec G. Sakellaridis, obtient 48,6 % et passe de 44 600 à 103 500 voix ! Et, belle surprise, la région d’Attique est remportée par Syriza, une victoire à caractère politique national contre un candidat du système : R. Dourou passe de 386 800 à 722 800 voix. Dans les deux cas, de fortes hausses de participation. À noter qu’alors que la direction du KKE refusait d’appeler à voter à gauche au 2e tour, ces deux élections ont montré un report important de ses électeurs. Il en est de même dans pas mal de banlieues populaires remportées par des listes soutenues par Syriza et parfois par Antarsya : les scores dépassent parfois les 60 % (Aigaleo, Vyronas, Kaisariani...). Fait important pour la suite, des maires soutenus par Syriza gagnent dans des fiefs des nazis : 62,3 % à Keratsini, où fut assassiné Pavlos Fyssas. Et contre le sectarisme du KKE, Syriza et Antarsya ont appelé à voter pour le candidat KKE à Patras, la 3e ville du pays : il est élu avec 59 800 voix (63,6 %) contre 23 700 au premier tour, et dans la banlieue de Haïdari, le KKE l’emporte contre le Pasok avec 68,5 % ! Dans le même temps, le système résiste grâce à des candidats dits « indépendants » prétendant ne s’occuper que de gestion locale : aux régionales, la droite reste largement majoritaire, Syriza ne gagnant que 2 des 13 régions. Aux municipales, cette tactique a souvent marché, le pire étant Volos et le Pirée élisant des Bernard Tapie footeux (avec le soutien des nazis au Pirée...), écartant toute alternative de gauche.

Que va faire Syriza de sa victoire ?Dimanche 25 mai, un troisième vote avait évidemment lieu : les élections européennes, précédées d’une campagne médiatique anti-gauche inimaginable en France ! Là encore, malgré le « séisme » que représente la victoire de Syriza, les résultats sont contradictoires, encore plus si on regarde les programmes à gauche. La comparaison des résultats de 2014 (avec une participation de 59,8 %) avec ceux de 2009 est parlante. Syriza récolte 26,5 % et 6 élus (en 2009 : 4,7 % et 1 élu). ND (droite) : 22,8 % et 5 élus (2009 : 32,3 % et 8 élus). Pasok : 8 % et 2 élus (2009 : 36,6 % et 8 élus) ! KKE : 6 % et 2 élus (2009 : 8,3 % et 2 élus). Aube dorée – Chryssi Avgi : 9,4 % et 3 élus (rien en 2009). Les écologistes : 0,9 % et pas d’élu (2009 : 3,5 % et un élu). Face à ce résultat, Syriza demande déjà des législatives anticipées, et la droite et le Pasok se sont empressés de dire que tout va bien (même s’ils disent avoir compris le message !).Au bilan des ces élections européennes, on peut dire qu’il y a un gros recul de la droite (ND) et surtout un effondrement du Pasok qui pourrait devenir facteur de crise interne. En même temps, autour de 2 millions de voix (35 %) se sont prononcées pour les divers partis du système... De plus, il y a un enracinement effrayant des nazis et un renforcement global de l’extrême droite (autour d’1 million de voix). 35 % ont voté à gauche de la social-démocratie, mais avec des contradictions : malgré une campagne dynamique, Antarsya n’a que 0,7 %, victime du vote utile. Syriza avait une bonne liste (avec parmi les éluEs, le résistant M. Glezos, Konstantina Kouneva, cette syndicaliste immigrée défigurée au vitriol par des nervis), mais après la disparition de la revendication d’abrogation de la dette et son discours de campagne « le 25 on gagne, le 26, ils s’en vont », Tsipras ne compte organiser aucune mobilisation de masse !

D’Athènes, A. Sartzekis1 – http://npa2009.org/content/grece-entre-les-deux-tours-des-elections-municipales-et-regionales

Belgique : percée de la gauche de gauche

Les quelque huit millions de citoyens belges qui se sont rendus aux urnes dimanche était appelés renouveler leurs représentants au Parlement européen mais aussi au Parlement fédéral ainsi qu’aux trois Parlements régionaux (Flandre, Bruxelles et Wallonie). Sans surprise, les problématiques européennes n’ont occupé qu’une place mineure dans la campagne...

Avec une Wallonie qui vote majoritairement à gauche (PS et Ecolo) et une Flandre qui vote majoritairement à droite (démocrates-chrétiens, libéraux, nationalistes, fascistes et populistes), l’État fédéral Belgique devient de plus en plus difficile à gouverner. Cette difficulté s’est manifestée spectaculairement après le scrutin fédéral de 2010 : suite au succès des nationalistes flamands de la NVA, le pays était resté 541 jours sans gouvernement fédéral… La coalition mise en place à la fin de 2011 associait les partis socialistes, libéraux et démocrates-chrétiens du nord et du sud du pays, sous la houlette du Premier ministre socialiste francophone Elio Di Rupo. Confronté à la surenchère à la fois nationaliste et ultra-libérale de la NVA dans l’opposition, le PS décida alors d’assumer une nouvelle réforme non démocratique de l’État, couplée à une politique antisociale d’une grande brutalité : 21 milliards d’euros d’assainissement budgétaire, allongement de la carrière, chasse aux chômeurEs, traque des demandeurs d’asile… Dimanche 25 mai, on a donc fait les comptes de cette politique.

Poussée à gaucheEn Flandre, les libéraux, les démocrates-chrétiens et les sociaux-démocrates se sont légèrement redressés. Mais la NVA, de son côté, a siphonné ce qui était (encore) plus à droite sur l’échiquier – notamment le Vlaams Belang (fasciste) qui perd à peu près les deux tiers de ses voix. Résultat : même si le camp de la droite nationaliste, fasciste et populiste flamande recule globalement, la NVA de Bart De Wever est plus difficilement contournable que jamais et d’autant plus résolue à peser qu’elle est soutenue par le patronat flamand. En Wallonie et à Bruxelles, la social-démocratie limite la casse et reste le premier parti, ce qui lui permet de prendre la main pour la formation des coalitions régionales. Les deux autres partenaires de la coalition fédérale reculent, principalement les libéraux qui perdent sur leur droite au profit du FDF à Bruxelles et du Parti Populaire (droite extrême) en Wallonie. Mais, globalement, le camp de la droite libérale se renforce. Par ailleurs, les Verts francophones (Ecolo), contrairement à leur amis flamands de Groen ! subissent une très lourde défaite, qui les contraindra à quitter les exécutifs régionaux. Dans la classe ouvrière, le mécontentement face à l’austérité et au bilan de la social-démocratie (au pouvoir sans discontinuer depuis 1987) s’est traduit par une forte poussée à gauche. Celle-ci est surtout perceptible dans le Sud du pays, où les listes PTB-GO ! (Parti du Travail de Belgique-Gauche d’Ouverture : listes de rassemblement autour du PTB, avec la LCR et le PC, soutenues par des personnalités et des syndicalistes) réalisent une magnifique percée, surtout dans les régions industrielles de Liège et du Hainaut : deux députés feront leur entrée au Parlement fédéral, deux au Parlement wallon et quatre au Parlement bruxellois. Au Nord, le PVDA (équivalent du PTB) accueillait sur ses listes des candidatEs d’ouverture, notamment des membres de la LCR-SAP (section belge de la 4e Internationale). Il fait plus de 8 % dans le canton d’Anvers mais manque le siège à deux mille voix près au niveau de la province. Les pronostics sur la prochaine coalition sont plus hasardeux que jamais. Une seule certitude : de nouvelles vagues d’austérité sont programmées, il faudra se battre, et combattre la ligne cogestionnaire des bureaucraties syndicales. Nul doute que la percée de la gauche politique encouragera la gauche syndicale dans cette voie.

De Bruxelles, Daniel Tanuro

Allemagne : succès de la droite, stagnation de la gaucheTraditionnellement, la participation aux élections européennes est faible en Allemagne. Mais cette fois-ci, la participation a été plus forte qu’en 2009 (47,6 % contre 43 %). Les élections étaient combinées avec des élections communales dans dix régions sur seize (Bundesländer).

Les chrétiens conservateurs (CDU/CSU) d’Angela Merkel n’ont obtenu que 35,3 % comparés aux 37,9 % d’il y a cinq ans. Les libéraux du FDP ont obtenu seulement 3,4 %, comparé aux 11 % en 2009 ! Bien fait pour ce parti clientéliste. Mais l’AfD, l’Alternative pour l’Allemagne, fondée en 2013, qui avait obtenu 4,8 % aux élections fédérales et n’était donc pas entré au Bundestag, a obtenu 7 %. Tout en étant encore plus néolibéral que le FDP, l’AfD est aussi nationaliste, chauvine et élitiste. « Ne pas donner de l’argent aux grecs et aux autres perdants en Europe » était le profil... Ils exigent un maximum d’autonomie de l’État allemand, donc de quitter la zone euro pour séparer monétairement le Nord riche du Sud pauvre. Les leaders de l’AfD argumentent depuis longtemps pour réduire les droits des gens dits « improductifs » (comme les sans-emploi). Ils veulent un État fort, mieux à même de combattre les syndicats, les mouvements sociaux, les minorités discriminées et l’immigration. Le SPD s’en sort pas mal avec 27,3 % (2009 : 20,8 %), grâce à un discours social et démocratique cachant habilement sa responsabilité dans la politique de la grande coalition sous Merkel, une austérité brutale qui crée la misère pour des millions de personnes en Grèce et d’autres pays concernés. Les Verts, eux, obtiennent 10,7 % (2009 : 12,1 %).

La Gauche doit changer de ligneDie Linke (La Gauche) a obtenu 7,4 % (2009 : 7,5 %). À cause de la plus forte participation, il a dû récolter plus de voix pour arriver plus ou moins au même pourcentage, mais c’est quand même la stagnation. Dans les sondages au niveau fédéral, Die Linke tourne autour des 10 %, ce qui reste plus faible que son résultat dans les élections fédérales de 2009 (11,9 %). Die Linke n’a pas articulé la critique et le rejet de la politique de la troïka avec celui du cadre institutionnel de cette UE non-démocratique, pour proposer une alternative claire. Celle-ci aurait dû exprimer une solidarité internationaliste de classe, la volonté de construire des mobilisations internationales massives s’appuyant sur l’auto-activité et l’auto-organisation par en bas pour une autre union politique de l’Europe. Mais Die Linke n’a pas été au-delà d’une proposition de réforme de l’UE donnant plus de droits et de pouvoir au Parlement européen. Die Linke a aussi échoué à mettre au premier plan la situation désespérée de millions de gens à cause de la politique de la troïka, à commencer par la Grèce. C’est cela qu’il fallait mettre au centre de la campagne électorale. Après la victoire de Syriza en Grèce, il s’agit de corriger la ligne de conduite. Car, avec une droite qui sort renforcée de ces élections européennes, la gauche radicale, elle, ne peut reprendre le devant de la scène qu’en s’appuyant sur la mobilisation et la solidarité de classe.

De Berlin, Manuel Kellner

 

Hongrie : la catastrophe continueDimanche 25 mai, la droite nationaliste du parti Fidesz de Viktor Orban (au pouvoir) a réussi à gagner une majorité absolue des voix des électeurs et électrices en Hongrie. Avec 51,5 % des voix, il triomphe...

Lors des législatives du 6 avril dernier, il s’était maintenu au pouvoir grâce à des charcutages et redécoupages de circonscriptions électorales, gagnant les deux tiers des sièges avec 44,5 % des suffrages. Cette fois, il peut se targuer d’avoir obtenu une majorité en voix.

Bruxelles dans le viseur du pouvoirPour y arriver, il a beaucoup joué sur la corde des ressentiments envers l’Union européenne, opportunément rendue responsable de tous les maux économiques et sociaux dont souffre (très réellement) la Hongrie. Le 20 mai dernier, il tonna dans un meeting contre l’UE, après que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) eut demandé aux autorités hongroises de « réexaminer » un texte de loi. En effet, en novembre 2013, le Fidesz et le parti fasciste Jobbik avait ensemble voté pour un texte qui supprime toute limitation de durée de la détention provisoire. La CEDH, qui n’est pas du tout un organe de l’Union européenne mais du Conseil de l’Europe – dont sont ainsi membres la Russie et la Turquie –, a critiqué ce texte de loi parce qu’il porte atteinte aux standards minimaux dans un État de droit. Réponse de Viktor Orban en meeting électoral : « C’est l’ultime preuve qu’à Bruxelles et à Strasbourg, dans l’Union européenne, les droits des criminels passent avant ceux des victimes et des innocents ! » Toutefois, dans sa pratique gouvernementale, Orban a su jusqu’ici céder à l’Union européenne quand il le fallait, pour ne pas voir remis en cause les fonds structurels dont dépend une partie de l’économie hongroise.

Une extrême droite incohérente...À la deuxième place arrive le parti fasciste Jobbik. Avec 14,68 %, son score est toutefois inférieur à celui obtenu au scrutin législatif où il avait alors obtenu 20,66 % des voix. Cela est peut être dû, en partie, à la distance de son électorat vis-à-vis de la politique européenne. Sa campagne a aussi été en partie incohérente. Alors que le Jobbik est une formation nationaliste et résolument anti-européenne – deux députés d’extrême droite (un Jobbik et un ex-Jobbik) avait décroché le 13 février le drapeau de l’UE au Parlement pour le jeter par la fenêtre – son euro-député sortant Béla Kovacs s’est récemment prononcé contre une sortie de l’Union européenne. Numéro trois sur la liste du Jobbik, ce même euro-député fut d’ailleurs accusé pendant la campagne d’espionnage au profit de la Russie, sachant que le Jobbik adore (à l’instar de Marine Le Pen) le pouvoir de Poutine. Même le numéro un du parti, Gabor Vona, a fait partiellement campagne pour demander une égalisation des conditions économiques et sociales entre Europe de l’Ouest et Europe de l’Est, accusant l’UE, mais surtout le pouvoir de Viktor Orban de ne pas bien défendre les intérêts nationaux à l’intérieur de l’Union. Le Jobbik, qui contrôle depuis décembre 2013 onze mairies devra examiner les possibilités de participer à la formation d’un groupe d’extrême droite au Parlement européen. Le 15 février dernier, le conseiller de Marine Le Pen aux affaires européennes – Ludovic de Danne – l’avait exclu de ce projet. Or, les partis autour du FN auraient suffisamment de sièges pour former un groupe à Strasbourg (il en faut au moins 25, le FN en compte 24 tout seul), mais ils doivent être issus de 7 pays différents. Ainsi, des alliances pourraient se former… La gauche hongroise paye, elle, lourdement un triple handicap : ses divisions avant le scrutin européen, l’héritage stalinien du parti « socialiste » MSZP (10,92 % des voix exprimées dimanche), mais aussi l’héritage des politiques libérales des gouvernement « de gauche » d’avant 2010...

Bertold du Ryon