Publié le Vendredi 30 octobre 2015 à 09h44.

Europe : À qui profite « la crise des migrants » ? Au pire...

Pour un certain nombre de campagnes électorales ou politiques en Europe, la maxime pourrait être : « L’immigration et l’agitation des peurs autour de ce thème, ça fait rentrer des voix »... Ainsi des victoires électorales récentes sont bien liées à l’instrumentalisation du sujet dans le sens d’une propagande anxiogène.

Cela vient de se vérifier en Pologne, où le parti de la droite nationale-conservatrice et souverainiste PIS (qui signifie « Droit et Justice ») vient de remporter les élections législatives du dimanche 25 octobre. Avec environ 38 % des voix, le parti gouvernera avec la future Première ministre Beate Szydlo.

Délire haineux

Outre certaines appréhensions envers « l’Europe », PIS a surtout misé sur la peur des migrants pendant la dernière campagne électorale. Son chef, Jaroslaw Kaczynski, n’a pas hésité à présenter les migrantEs et réfugiéEs – dont la Commission européenne tente de faire accepter un nombre limité à la Pologne dans le cadre de la « répartition » envisagée de 160 000 réfugiéEs sur les 28 pays de l’Union – comme des porteurs de maladie, un « risque sanitaire ».

Accusant le gouvernement sortant, appuyé par le parti libéral Plateforme civique (PO), d’avoir en secret promis à Bruxelles d’accueillir « 100 000 musulmans » – un mensonge pur et simple –, il avait prédit à la Pologne « la destruction des églises, l’introduction de la charia, l’obligation d’adopter l’islam et le terrorisme » (sic). La limite entre l’agitation politique et un délire haineux irrationnel étant déjà largement franchie, il ajoutait, à propos des prétendues menaces pour le bon peuple blond : « Le choléra sévit déjà sur les îles grecques » et « la dysenterie est à Vienne »... Jusqu’ici, la mention de la peste manque encore au répertoire de ce chef du parti qui va désormais (à nouveau) diriger la Pologne.

Autre décor, autre situation économique, mais mêmes éléments de discours, le Parti du peuple suisse (SVP, en suisse allemand) – mal nommé Union démocratique du centre (UDC) par les francophones – a été le principal vainqueur des législatives helvétiques du dimanche 18 octobre. Au plan fédéral, avec désormais 29,5 % des voix, ce parti, situé des deux côtés de la frontière entre droite et extrême droite, dépasse son meilleur score qu’il avait obtenu en 2007, à l’époque 28,9 %. « Un thème a malheureusement été très dominant la campagne, les gens ont été guidés par la peur », a ainsi commenté la candidate socialiste Rebecca Ruiz, faisant allusion au débat sur les réfugiéEs.

Polarisation dans la rue

Les autres pays germanophones, l’Allemagne et l’Autriche, assistent en même temps à une véritable polarisation. Si le FPOE (principal parti d’extrême droite) a totalisé au scrutin régional du 11 octobre à Vienne un score de 30,8 % dans la capitale autrichienne, la victoire attendue lui a néanmoins été refusée : la social-démocratie a réussi à le dépasser avec 39,6 %, et le FPOE est resté en dessous des plus de 35 % qui lui furent pronostiqués. Cela est lié au réveil actif de la partie de la société qui refuse de sombrer totalement dans le racisme. Ainsi 60 000 personnes avaient manifesté pour la solidarité avec les migrantEs le samedi 3 octobre à Vienne.

En Allemagne, la polarisation se fait surtout dans la rue. Derrière des slogans racistes, presque 20 000 personnes ont manifesté lundi 20 octobre à Dresde pour le premier anniversaire du lancement du mouvement Pegida (« Européens patriotiques contre l’islamisation de l’Occident »), et encore 10 000 ce lundi 27 octobre. En face, il y a eu des contre-manifestations, avec plusieurs milliers de participantEs la première fois, environ 1 300 la seconde.

Parti de l’ex-Allemagne de l’Est et surtout de la Saxe, ce mouvement anti-immigration a toujours du mal à prendre pied dans les grandes villes d’Allemagne de l’Ouest. Dimanche 25 octobre, la manifestation appelée à Cologne par les « Hooligans contre le salafisme » (Hogesa) et soutenue par Pegida ainsi que par le parti régional d’extrême droite Pro NRW, n’a ainsi réuni qu’un millier de personnes, bloqués par 10 000 contre-manifestantEs (il y a eu 24 blessés dont 12 policiers). Il y a exactement un an, le 25 octobre 2014, le mouvement « anti-islamisation » Hogesa, alors nouveau, avait réussi à créer la surprise, réunissant 4 500 personnes. La police ainsi que les 800 contre-manifestantEs étaient totalement dépassés. Hogesa n’a pas su stabilisé un mouvement dans la durée, alors que ses adversaires étaient cette année beaucoup mieux préparés.

Bertold du Ryon