L’armée française va opérer sa réorganisation au Sahel. Quels que soient les scénarios, le Tchad conservera son rôle de pivot stratégique. Le Quai d’Orsay mise sur la dictature du fils Déby pour assurer la stabilité du pays quitte à fermer les yeux sur les violations des droits humains.
À peine cinq mois après la sanglante répression de la manifestion du 20 octobre 2022, Macron a reçu à l’Élysée Mahamat Déby, président de transition du Tchad. Difficile de faire mieux dans le soutien explicite à un dictateur qui n’hésite pas à utiliser tous les moyens pour conforter son pouvoir.
Du sang sur les mains
À la mort d’Idriss Déby en avril 2021, son fils, Mahamat, avait pris les rênes du pays en dépit des règles constitutionnelles. Elles prévoyaient, en effet, une transition assurée par le président de l’Assemblée nationale. Pour faire avaler la pilule aux puissances occidentales qui venaient de condamner les coups d’État au Mali et en Guinée, Mahamat Déby avait convoqué une conférence nationale inclusive. Celle-ci a vite révélé sa fonction première : légitimer son pouvoir, puisque les décisions prises l’autorisent à se présenter à l’élection présidentielle à la fin de la période de transition étendue de 18 mois à deux ans.
Contre cette succession dynastique, l’opposition avait appelé à une manifestation. Elle fut sauvagement réprimée. Les forces de sécurité ont tiré à balles réelles, tuant des dizaines de personnes. Des centaines de prisonniers y compris des enfants ont été déportés au bagne de Koro Toro en plein milieu du désert. L’organisation Human Rights Watch mentionne des morts pendant le trajet faute d’eau et de nourriture.
Tel père tel fils
L’hôte de Macron vient d’annoncer la levée de l’interdiction des partis politiques de l’opposition. Cette mesure en trompe-l’œil permet à la France de justifier son indulgence coupable. Car dans les faits, les poursuites judiciaires pour atteinte à la sûreté de l’État contre l’opposition sont maintenues, obligeant les militantEs à la clandestinité.
Mahamat Déby mène la même politique que son père en maintenant le personnel politique corrompu. Ainsi, Idriss Youssouf Boy est nommé directeur du cabinet civil de la présidence, alors qu’il est accusé du détournement de plusieurs milliards de francs CFA au détriment de la Société des hydrocarbures du Tchad. Haroun Kabadi, l’ancien président de l’Assemblée nationale, celui-là même qui a obligeamment cédé son pouvoir à Déby, se voit, en guise de remerciement, propulser à la présidence du Conseil national de transition, peu importe qu’il ait touché des pots-de-vin sur les achats de fournitures scolaires commandés par le ministère de l’Enseignement. Mahamat Saleh Annadif, ancien président du cabinet du père, impliqué dans des détournements de fonds sur les grands travaux présidentiels, devient ministre des Affaires étrangères. La continuité ne se résume pas au recyclage des corrompus. Elle se manifeste aussi par le choix stratégique de maintenir le Tchad comme puissance militaire pour jouer les supplétifs de l’armée française. À cette fin, la défense représente 40 % du budget et ne cesse d’augmenter aux dépens de l’éducation, de la santé et du développement.
La France reste en Afrique quoi qu’il en coûte
La continuité est aussi du côté de la France. Hollande déclarait : « J’ai été conduit à avoir avec le président Déby [père] une relation forte puisque le président Déby avait été tout à fait présent, actif, au moment où justement il fallait chasser les jihadistes du Nord-Mali ». Macron continue cette « relation forte » avec le fils. Alors qu’une réflexion s’engage sur la stratégie de l’armée française au Sahel, le Tchad reste un point d’appui privilégié. D’autant que le G5 Sahel est affaibli par le départ du Mali. La Mauritanie qui doit en prendre la présidence tournante est l’objet d’une intense activité diplomatique russe avec la visite de Sergueï Lavrov qui propose son aide dans la lutte contre le terrorisme.
Comme ses prédécesseurs l’ont été avec Idriss Déby, Macron va donc rester un soutien fidèle à la dictature de Mahamat Déby. À l’image de son père, il continuera de brimer son peuple, bannir les opposantEs, torturer dans les prisons et dilapider les ressources avec une France complice qui s’étonne par ailleurs d’être l’objet du ressentiment des populations africaines.