Total Energies s’est engagé dans deux projets pétroliers complémentaires en Ouganda et en Tanzanie. L’un appelé Tilenga, constitué de 400 forages au bord du lac Albert, et l’autre EACOP (East Africa Crude Oil Pipeline) pour l’acheminement par pipeline de 216 000 barils de pétrole/jour jusqu’au port de Tanga en Tanzanie, soit près de 1 500 kilomètres.
Ce programme pétrolier est une véritable menace pour l’environnement. Il entraîne un surplus d’émissions de CO2 de 34,3 millions de tonnes par an et menace une des plus grandes réserves d’eau douce du continent africain.
Un scandale écologique et social
La moindre fuite aurait des conséquences catastrophiques pour les populations notamment sur le flanc du bassin du Nil blanc. Les lieux de forages et le tracé du pipeline se situent dans des parcs nationaux, des réserves forestières, des zones humides et dans des zones de mangrove. Dans ces espaces vivent des espèces animales menacées. En plus des risques de fuites, le trafic incessant des supers tankers le long des côtes tanzaniennes, sera préjudiciable pour l’écosystème de l’océan notamment le récif coralien. L’expérience du Nigeria est révélatrice, l’absence d’entretien des oléoducs par les compagnies pétrolières est source de pollution récurrente d’hydrocarbure dans la région du Delta. Avec une extraction valorisée à 11 dollars le baril, il sera plus rentable d’ignorer les fuites plutôt que maintenir un entretien minutieux des 1 500 kilomètres de canalisations.
À cause de ce projet, les populations commencent à être chassées de leur lieu de vie et de travail. C’est près de cent mille personnes en Ouganda et en Tanzanie qui vont être expulsées. Certaines victimes attendent toujours les indemnités promises. Les lieux de production et de circulation du pétrole sont considérés comme stratégiques et potentiellement générateurs de violence. Les autorités ougandaises avec l’aide de la France sont en train de se doter d’une police pétrolière en charge de la sécurisation des installations. Cette police commence déjà ces méfaits avec des menaces contre les organisations de la société civile, et du harcèlement des représentantEs des communautés. Une police qui accompagne systématiquement les représentants de Total lors de ses visites des populations, un moyen comme un autre d’intimidation.
Dis-moi qui tu soutiens et je te dirai qui tu es
Le projet est combattu tant en Afrique qu’en France, notamment par des associations comme les Amis de la Terre et Survie. Une procédure judiciaire a été diligentée en vertu de la loi de 2007 sur le devoir de vigilance qui incombe aux multinationales. Le débat a porté pour l’instant sur la juridiction compétente. Dans le même temps, les médiateurs de l’ONU ont été saisis et les mobilisations s’organisent parmi les populations dans des conditions difficiles. En effet, le pouvoir est particulièrement répressif, Yoweri Museveni, le président ougandais, en est à son sixième mandat grâce aux fraudes électorales, aux tripatouillages de la Constitution et à la répression. Dernier exemple en date, la nomination, à la tête de la police du pays, du général Abel Kandiho, tortionnaire avéré et inscrit sur la liste noire des USA.
Même des institutions financières comme Barclays, la BNP Paribas, le Crédit agricole, HSBC, la Société générale, la BAD (Banque africaine de développement) ne souhaitent pas être mêlées à ce projet. Cela ne gêne pas vraiment Total, habitué à faire du business avec les pires dictatures, c’est un peu son ADN. D’ailleurs, il a fallu 20 ans pour que la multinationale se retire de la Birmanie. Elle peut compter sur un soutien de poids : l’État français en la personne de son président. En plus des hauts cadres de l’administration dont certains sont passés par Total, Macron affiche discrètement un soutien sans faille à ce projet. Certes il a fait des grandes déclarations à la COP21 mais qui peut encore croire les « bla bla » des dirigeants de la planète. Certes la France a signé l’accord qui stoppe tout financement public à l’étranger des projets d’énergies fossiles mais cet accord prendra effet à la fin de l’année 2022. Alors d’ici là il en profite.
En mai 2021, Macron envoyait un message de félicitation pour l’élection de Yoweri Museveni tout en lui rappelant l’intérêt qu’il portait au projet pétrolier de Total.
Le pillage des ressources africaines, en dépit de l’environnement et du bien-être des populations, plus la complicité avec les dictatures à l’étranger, plus l’exploitation des salariéEs des entreprises de sous-traitance en France, plus 16 milliards de bénéfices dont la moitié pour les actionnaires au détriment d’investissements dans les énergies renouvelables, plus le paiement en France d’impôts dérisoires au vu des profits réalisés : c’est bien le Total de ce que nous combattons avec… énergie.