Publié le Mercredi 26 mars 2025 à 08h00.

Gaza saigne, Gaza vous implore à l’aide

L’occupant massacre une population d’orphelinEs, d’hommes amputés, de femmes aux existences écorchées, de vieillardEs ayant perdu enfants et petits-enfants.

L’occupant bombarde une population qui, malgré tout, dans un formidable élan de vie, était en train de se relever, de reprendre pied, déterminée à faire sortir des décombres une Gaza aussi belle qu’avant.

Ala’ Abu Hilal a perdu jeudi son fils, né sous les bombes il y a un an, et sa femme Afnan, enceinte de sept mois. « Avec ma femme et mon fils, nous sommes venus dans la zone humanitaire, pour être en sécurité. Je commençais ma vie. Nous construisions une famille. Oh, mon fils chéri, va au Ciel, tu y trouveras tout ce dont tu as besoin. Mohammed, c’était mon premier enfant. C’était une part de mon âme. Toute ma vie. Mon monde. Dieu m’a béni en me donnant cet enfant. Il l’a rappelé à lui.1»

Peu importe la douleur de ce jeune père. L’occupant abreuve le monde de mensonges auxquels personne ne croit, mais nos médias les relaient, et nos dirigeants font semblant d’y croire. Ensemble, jour après jour, l’occupant, les médias et les gouvernements occidentaux falsifient le récit et ré-écrivent le droit international, parvenant à tailler sur mesure une exception israélienne à la loi.

C’est ainsi que l’occupant, champion du monde toute catégorie en matière de violation du droit international, passe pour celui qui se conforme à la loi, tout en commettant un génocide. C’est ce qui explique que toute information donnée sur ce qui se passe en Palestine soit ponctuée par le point de vue des génocidaires. Nos médias continuent de donner systématiquement le dernier mot aux collaborateurs d’un criminel de guerre poursuivi pour crimes contre l’humanité, comme s’il n’y avait rien de plus normal au monde.

Peu importe le témoignage du Dr. australien Mohammed Mustafa : « Nous avons travaillé toute la nuit. Les bombardements ont été incessants. Nous n’avons plus de kétamine. Nous n’avons plus de propofol. Nous n’avons plus d’antalgiques. Lorsque nous intubons des patients, ils se réveillent et s’étouffent car nous n’avons pas de sédatifs. Sept petites filles ont été amputées de la jambe sans aucune anesthésie. Les bombardements continuent. La pièce tremble encore. Je n’ai pas dormi. Il est 10 h maintenant, j’ai la tête qui tourne. Ce sont surtout des femmes, des enfants, brûlés de la tête aux pieds, membres manquants, tête manquante. Il y a là trois petites filles dans un lit, orphelines à présent. Leur père est mort après la pose d’un drain. Leur mère n’est pas arrivée vivante à l’hôpital, assassinée avec leur autre sœur. J’étais déjà ici en juin. Rien de cette intensité-là. Les cris sont partout. J’ai besoin de prendre 15 minutes. Je me sens horrible de les laisser, mais j’ai les jambes qui tremblent, la tête qui tourne2. »

Peu importent les centaines de blesséEs qui affluent dans des hôpitaux démunis de tout. Peu importent les centaines de PalestinienNEs tuéEs en quelques heures par des criminels lâches devant un écran, bien à l’abri dans leur bureau blindé à cent kilomètres de là.

Les mots magiques « Hamas », « islamistes », « terroristes » agissent comme des sésames qui permettent encore et encore de blâmer les victimes, de faire aux victimes le procès de leur propre génocide.

La résistance palestinienne est coupable de s’en être tenue aux termes de l’accord de cessez-le-feu ; d’avoir proposé de déposer les armes dans le cadre d’une trêve de longue durée, de rendre tous les captifs immédiatement en échange d’un retrait de l’occupant, de laisser sur le champ le pouvoir à tout gouvernement d’union nationale.

« Après avoir détruit le droit international, normalisé le ciblage des civils, bombardé les hôpitaux un à un, les écoles une à une, Israël détruit la diplomatie. Car quand vous signez un accord de cessez-le-feu pour le violer sans arrêt et en changer les termes, il n’y a plus de diplomatie », résume Husam Zomlot, ambassadeur de Palestine au Royaume-Uni3.

Peu importe qu’à présent l’occupant annonce une « dévastation totale », promettant que « ce n’était qu’un début ». Peu importe que les États signataires de la Convention sur le génocide soient dans l’obligation de tout mettre en œuvre pour prévenir et stopper le crime de génocide.

« Il n’y a pas d’autres cas où l’intention génocidaire ait été aussi évidente, aussi documentée, aussi prouvée, aussi clairement déclarée, encore et encore », pointe Francesca Albanese, juriste internationale4.

Peu importe : l’Occident fait le choix de ne croire qu’aux mensonges de l’occupant, de ne pas prêter attention à son intention si clairement répétée ces derniers jours et que nous aurions tout lieu de prendre au mot. L’Occident fait le choix du colonialisme dans sa version exterminatrice5.

C’est ainsi que le droit d’Israël de massacrer les PalestinienNEs continue de prévaloir sur le droit des PalestinienNes à ne pas se faire massacrer.

Peu importe Ismail, 3 ans – qui venait de quitter Qarara avec ses parents et son petit frère pour dresser la tente à al-Mawasi, « zone sûre ». Ismail, avant de mourir, a eu le temps de voir sa maman Rasha, enceinte, serrant Amir, son bébé d’un an contre elle, être dévorée par les flammes, et son papa Muhammad se vider de son sang6.

Les molles protestations de l’Occident sont comprises comme autant d’encouragements par l’État génocidaire. À raison, assurément. Comment l’occident peut-il justifier son inaction, alors que les moyens de pression sont si simples ? Comment peut-il continuer à vendre des armes à Israël, à l’accueillir dans ses salons ?

Le droit n’est pas une option, c’est une obligation. La justice triomphera. Comme l’assure Craig Mokhiber, « Israël est incapable de se défendre devant les cours internationales, car là la propagande soutenue par l’Occident n’agit plus »7.

C’est certain. Mais le temps de la justice n’est pas le temps de l’urgence des hommes, des femmes, des enfants livréEs aux bombes et au blocus génocidaire. Dans les tribunaux, Palestine vaincra. Mais ce sera trop tard pour des centaines de milliers de PalestinienNEs. Chacun à notre échelle, mettons-nous en travers du génocide, toujours et en tout lieu, et exigeons des sanctions.

« Gaza saigne, Gaza vous implore à l’aide. Ne nous laissez pas seuls face à ces massacres »8 : répondons à l’appel de la résistance, immédiatement.

Je voudrais terminer par une pensée pour Ella Abu Daqqa, née il y a trois semaines, retrouvée saine et sauve sous les décombres jeudi, plusieurs heures après le bombardement qui a décimé toute sa famille.

Marie Schwab, 22 mars 2025

  • 1. One year old among victims of Israel’s indiscriminate bombing of Gaza (vidéo), News Feed, Al Jazeera, 20 mars 2025. https://www.aljazeera.co…
  • 2. https://x.com/caissesdeg…
  • 3. On BBC News, Dr Zomlot says Israel destroyed diplomacy by breaching the Gaza ceasefire (vidéo), Palestine in the UK, 19 mars 2025. https://m.youtube.com/wa…
  • 4. Israeli strikes on Gaza kill hundreds, Francesca Albanese reacts | podcast (vidéo), Channel 4, 18 mars 2025. https://www.channel4.com…
  • 5. Le rapport de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies fait état du ‘‘crime d’extermination’’ dans son rapport remis le 12 mars. ‘‘More than a human can bear’’: Israel’s systematic use of sexual, reproductive and other forms of gender based violence since 7 October 2023, Human Rights Council, 13 mars 2025. https://www.ohchr.org/en…
  • 6. child in Gaza watched his mother burn alive. Then he died too. Tareq S. Hajjaj, Mondoweiss, 19 mars 2025 https://mondoweiss.net/2…
  • 7. Israel BREAKS Ceasefire With Human Rights Lawyer Craig Mokhiber & Palestinian Journalist Said Arikat (vidéo), Katie Halper, 19 mars 2025. https://m.youtube.com/wa…
  • 8. Do not leave ‘bleeding’ Gaza to face ‘massacres’ alone: Hamas, Al Jazeera up dates, 20 mars 2025, 11.00 GMT. https://www.aljazeera.co…