La Grande-Bretagne traverse actuellement une profonde crise politique liée à la façon de conduire le « Brexit ». Le résultat du référendum de 2016 définit les coordonnées politiques au sein desquelles évoluent les principaux partis, dont aucun ne souhaitait le résultat : « leave ».
Les Libéraux démocrates ont poussé à l’organisation d’un référendum dont ils étaient convaincus qu’il déboucherait sur un « remain », une manœuvre tactique au sein de leur coalition avec le Parti conservateur. Les Conservateurs ont explosé sur la question du Brexit, une explosion qui a mené à de récentes démissions de ministres, au rythme d’une toutes les six semaines. Le Parti travailliste avait de son côté fait campagne pour le « remain », mais de manière prudente, avec un Jeremy Corbyn, le nouveau leader radical du parti élu un an plus tôt, répondant finement à un journaliste le questionnant sur son enthousiasme à l’égard de l’UE qu’il était « à 7/10 » en faveur du « remain ».
De nouvelles possibilités pour la gauche
Corbyn reconnaît que l’UE est une puissance néolibérale obsédée par les privatisations, et particulièrement encline à conspirer avec les États-Unis autour d’accords commerciaux comme le TAFTA, qui aurait placé le Service national de Santé et d’autres organismes de protection sociale dans une situation dangereuse. Socialist Resistance, section de la IVe Internationale en Grande-Bretagne, avait appelé à un vote « remain » car le débat était alors polarisé par une xénophobie de plus en plus marquée, une analyse malheureusement confirmée par une intensification des attaques racistes après la victoire du « leave ».
L’élection de Corbyn à la tête du Labour a ouvert de nouvelles possibilités pour la résistance face aux politiques d’austérité, avec un parti travailliste qui a accru ses effectifs, notamment auprès de jeunes nouvellement politisés, pour atteindre plus d’un demi-million de membres. Il s’agit désormais du plus important parti de masse social-démocrate en Europe. Cela a eu des conséquences pour l’ensemble des militantEs, y compris ceux de Socialist Resistance, qui étaient actifs dans un petit parti « à la gauche du Labour », Left Unity, formé après un appel de Ken Loach à défendre le Service national de Santé, l’un des acquis historiques de la classe ouvrière.
Contre l’appareil droitier du parti travailliste
Certains groupes révolutionnaires marginaux sont aujourd’hui encore en-dehors du Labour, à prodiguer des conseils à Corbyn, mais il apparaît que la lutte essentielle se déroule désormais dans le parti. Les membres de Socialist Resistance sont investis dans une nouvelle formation, à l’intérieur du Parti travailliste, le Red Green Labour [« Travaillistes rouges et verts »], qui reprend à son compte le programme et les propositions écosocialistes de la IVe Internationale en Grande-Bretagne. Une position politique particulière, qui nous permet de nous lier aux mouvements anti-fracturation hydraulique comme à divers projets, européens et internationaux, de construction d’un avenir socialiste durable.
Corbyn est vent debout contre l’appareil droitier du Parti travailliste, qui essaie de l’empêcher de diriger. Lors de la plus récente crise ministérielle au sujet des négociations avec l’UE (au cours de laquelle le ministre en charge du Brexit David Davis et le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson ont démissionné), des députés travaillistes anti-Corbyn se sont opposés à l’organisation d’élections générales, et ont apporté leur soutien à la Première ministre Theresa May. Il y a aujourd’hui des appels à un second référendum et, du côté de la gauche, à un « vote populaire ». La priorité est désormais de transformer cet appel en la revendication de la tenue d’élections générales, avec un vote pour Corbyn. C’est ce que Socialist Resistance essaie de faire, en tant que groupe membre du Parti travailliste en Angleterre, et de manière indépendante en Écosse, où nos camarades ont toujours défendu l’indépendance et l’affaiblissement de l’État britannique.
Contre la xénophobie et l’austérité
Corbyn a pris la parole lors de la manifestation de Londres, le 13 juillet, contre la visite de Donald Trump, une mobilisation de masse qui a réuni 250 000 personnes à Londres et des milliers d’autres dans le pays, au sein de laquelle il est apparu que de nombreuses personnes faisaient le lien entre le Brexit et Trump. Il s’agissait d’une manifestation contre la xénophobie et pour la liberté de circulation pour tous les peuples.
Notre combat contre l’austérité et pour des droits démocratiques des travailleurEs se développe dans divers secteurs de l’industrie : dans la restauration et le nettoyage, par exemple, où les travailleurEs immigrés, venus d’Europe et d’au-delà, représentent une part significative de la force de travail.
Le combat contre Trump et pour un gouvernement travailliste de gauche sous la direction de Corbyn est intimement lié à la défense des droits des salariéEs et à la construction de solidarités en Europe, et au-delà de l’Europe. Beaucoup de celles et ceux qui ont voté pour le « remain » l’ont fait dans un esprit de solidarité internationale, qui va bien au-delà des limites imposées par l’Europe-forteresse. C’est seulement sur cette base que la gauche peut réellement changer les coordonnées politiques, contre la xénophobie et pour un front uni contre l’austérité.
Ian Parker, membre de Socialist Resistance. Traduction J.S.