Après sa victoire aux législatives du 17 juin, la Nouvelle Droite a formé un gouvernement avec le Pasok, revenant à l’alliance qui avait accepté tous les mémorandums. L’enjeu pour la gauche radicale est maintenant d’organiser les luttes et surtout de construire un mouvement antifasciste contre les nervis de l’Aube dorée. Après les cris de joie de la bourgeoisie internationale soulagée de la courte victoire de la droite, la semaine écoulée a permis de vérifier les premières impasses : face aux timides morceaux de bravoure du Premier ministre Samaras, qui demande un délai pour la suite de la mise à mort du pays, ses grands amis Juncker ou Barroso se sont chargés de rappeler que la Grèce avait des engagements à respecter sinon gare... Samaras aura donc bien du mal à faire croire qu’il veut geler… la baisse des rémunérations ! Autre souci pour lui : les tractations pour son gouvernement. Ainsi, le Pasok, soucieux de ne pas sombrer définitivement, a décidé de ne pas envoyer de cadres mais seulement de recommander des technocrates à ce gouvernement auquel il participe sans participer – position contestée par les extrémistes Loverdos et Chryssochoïdis, tellement grillés qu’ils se seraient bien vus ministres pour continuer leur politique à la Hortefeux ou à la Besson ! Même position du groupe Dimar, scission droitière du Synaspismos, qui après avoir espéré en vain récupérer les voix des électeurs du Pasok, a hésité entre gouvernement et opposition, sachant que dans tous les cas, sa raison d’être est menacée. D’ores et déjà, ce gouvernement expose donc sa fragilité – et son machisme : deux femmes sur 37 ministres – et cela est accentué par l’examen attentif des résultats du 17 juin, qui montrent le discrédit des deux ex-grands partis dans les régions et quartiers populaires : ainsi, la Crète, région historique du Pasok, a donné le 17 juin la majorité à Syriza, comme l’ont fait bien des banlieues ouvrières et populaires de la région d’Athènes (de 35 à 37 % à Keratsini, Perama, Eleusis, Laurion..). Relancer les mobilisationsRedisons-le : les campagnes électorales n’ont pas mobilisé les foules et le fort taux d’abstention (40 %) montre bien, au regard des enjeux, le discrédit dans lequel 30 ans de bipartisme Pasok-droite et les deux années de soumission totale à la Troïka ont plongé l’action politique. Il est aujourd’hui urgent de relancer les luttes pour remettre au premier plan l’activité autonome des travailleurs et travailleuses, en prenant à bras le corps l’organisation des chômeuses et chômeurs (52 % des jeunes de 15 à 24 ans non scolarisés sont chômeurs) et en œuvrant à des revendications unificatrices sur les salaires, contre les licenciements et les privatisations, sur lesquelles la Troïka, qui vient commettre son nouveau contrôle cette semaine, va insister durement vu les très faibles rentrées de fonds des privatisations. Une raison supplémentaire de relance des luttes ouvrières est le score que peut obtenir le groupuscule nazi Chryssi Avgi dans ces banlieues : jusqu’à 16,7 % à Aspropyrgos, 11 à Eleusis. La lutte antinazie est donc un axe prioritaire : d’abord dans le cadre de la bataille antiraciste (samedi, une bande de nazis protégés par les flics est venu intimider des commerçants immigrés dans la banlieue de Nikaia, à l’imitation de leurs ancêtres SS), ensuite parce que l’absence de réactions de masse encourage ces tueurs à étendre leurs agressions aux organisations ouvrières, comme on l’a vu au Pirée le 17 juin au soir. Dans cette phase, empêcher de se développer et faire rentrer sous terre ce groupuscule de tueurs que la loi n’empêche actuellement pas de glorifier publiquement Hitler et l’antisémitisme, sera tout à fait possible vu les rapports de forces, mais à une condition : faire travailler dans un cadre unitaire durable des organisations et associations travaillant trop souvent pour leur propre chapelle. Ceci est désormais incontournable et se met en pratique localement avec des mobilisations antifascistes assez fortes dans quelques endroits (1 000 manifestants à Perama après les agressions contre des immigrés d’Égypte, conférence de presse unitaire à Chania). Les tâches de la gauchePlus que jamais, après la séquence électorale, les luttes doivent être liées à des perspectives politiques : ne pas laisser souffler un seul instant le nouveau gouvernement, dit très justement Antarsya. Ce qui suppose de combiner luttes sur le terrain et cadre politique national pour la mise en œuvre des revendications. De ce point de vue, la semaine écoulée a été décevante du côté de Syriza, avec le dirigeant Tsipras s’engageant à mener une opposition loyale (comprendre : strictement parlementaire ?) au gouvernement du mémorandum et même de soutenir ses « bonnes » mesures éventuelles. Si la tenue d’AG ouvertes avancée par Syriza est une bonne chose, cela ne suffira pas, d’autant que la perspective est de vouloir transformer Syriza en parti, objectif qui divise ce regroupement et ne répond pas aux urgences. La gauche anticapitaliste, et en son sein Antarsya, mais aussi des organisations révolutionnaires dans Syriza comme DEA, a donc pour tâche de mettre en avant tous les cadres de front unique possibles, en n’oubliant pas le KKE, dont la consigne « au peuple de corriger le vote du 6 mai » s’est conclue en catastrophe électorale et impliquera peut-être un meilleur accueil des militantEs à des campagnes de luttes unitaires.
A. Sartzekis, Atènes, le 24 juin