Trois mois après sa défaite majeure aux législatives, Syriza vient d’élire comme président succédant à Tsipras un ex-banquier de Goldman Sachs, ignorant quasiment tout de Syriza et de la gauche en général, et qui récemment encore disait tout son respect pour le Premier ministre de droite ultralibérale, Mitsotakis. Comment en est-on arrivé là ? Quel proche avenir pour Syriza ?
Un élément clé : non seulement l’élection du président précède le Congrès, mais elle permet à quiconque veut participer de devenir « membre » de Syriza le jour du vote (pour 2 euros) dans le cadre d’une campagne électorale publique ! Ainsi, le 17 septembre, alors qu’on attendait une participation entre 50 et 70 000 membres sur fond de déception, il y a eu 149 000 votantEs, parmi lesquels environ 40 000 nouveaux membres.
Stefanos Kasselakis héritier de Tsipras
Résultat en apparence incroyable : Stefanos Kasselakis, inconnu deux semaines avant, obtenait 66 000 voix (45 %) contre 53 000 (36 %) à la favorite, l’ex-ministre du Travail Effie Achtsióglou. Ce qui est apparu, c’est qu’à côté d’une petite part d’« entristes » de la droite ou autres, les « nouveaux membres » ont pesé dans ce choix, confirmé au 2e tour (Kasselakis 56 %), avec un vote signifiant la confiance dans un (jeune) homme (et pas une femme…) providentiel, avec forte image médiatique et désintérêt pour le programme, même de gauche réformiste. De fait, Kasselakis a tout juste réussi à se dire « de gauche », son programme pour l’heure consistant à proclamer qu’il pourra battre Mitsotakis. Avec deux éléments non négligeables : il s’affiche « pur » de la subordination à la troïka. Et s’affirme publiquement homosexuel. Il renforce la ligne Tsipras fondée sur le rôle symbolique du chef et dépasse la recherche d’alliance avec le Pasok pour un parti style démocrate américain.
La deuxième mort de Syriza
Mais hormis l’héritage Tsipras, cette élection est aussi le produit d’autres facteurs. Ainsi, l’absence de réel militantisme dans Syriza a permis que les médias dominants jouent un rôle clé dans ces élections, en fabriquant avec succès une campagne de star au candidat inconnu, la droite se disant qu’il serait utile pour achever Syriza. Par ailleurs, une partie de l’appareil Syriza a très vite participé à sa campagne, n’hésitant pas à dénoncer la « vieille bureaucratie » de l’appareil... dont ils font partie !
Mais de manière générale, c’est là le résultat de toute la politique de Syriza depuis sa défaite aux élections de 2019. Comme le soulignent divers militantEs de gauche, membres ou pas de Syriza, d’une part aucun bilan n’a été tiré des années 2015-2019, ni non plus après la récente défaite de mai-juin. Et surtout, alors que la politique de la droite a été constamment contestée par des luttes diverses, Syriza était quasi absent dans la rue. Et très peu de cadres ont contesté l’orientation « social-démocrate ». Sur le fond, il n’y a donc pas de surprise à l’élection de Kasselakis !
Même si cette « star-élection » a permis aux médias d’éviter de parler de la grève générale (de la seule fonction publique) contre le vote d’une loi travail esclavagiste (journée de 13 heures autorisée !) ou des catastrophes consécutives aux inondations, elle concerne toute la gauche, ne serait-ce que parce que face aux évolutions (déjà des mesures autoritaires), il faudra savoir s’adresser de manière critique mais constructive à celles et ceux qui veulent défendre Syriza dans le camp de la gauche.
Athènes, le 1er octobre