Même s’il existe des contradictions entre les différentes composantes de la troïka, il est évident que depuis deux mois, celle-ci met en scène le suspense sur accord ou pas, avec un double but : pousser le gouvernement à des reculs par rapport à son programme dit de Thessalonique, et faire oublier au passage les effets concrets de sa politique en Grèce depuis plusieurs années.
Or, la situation est devenue insupportable, comme en témoignent les chiffres. D’un côté, 1,25 million de chômeurs pour 11 millions d’habitantEs, avec 300 000 familles au chômage en-dessous du seuil de pauvreté... Une situation aussi partagée par bien des familles avec un emploi, ce qui rend prioritaire la hausse du Smic. De l’autre, les revenus des 10 % les plus riches étaient en 2007 10,5 fois supérieurs à ceux des 10 % les plus pauvres ; en 2013, cet écart est passé à 12,3, la Grèce des mémorandums étant le pays le plus inégalitaire de l’eurozone. Enfin, d’après Tsipras, lors des 4 derniers mois, la Grèce a versé 8 milliards aux divers créditeurs, c’est-à-dire environ 12 % du PIB ! On le voit, il faut rompre au plus vite avec cette logique mortifère. La question de la poursuite des négociations avec les « institutions » se pose donc pour de plus en plus de monde.
Le dernier scénarioOr, le gouvernement s’est enfoncé dans les négociations, ce qui, pour le peuple grec, cautionne toutes les manœuvres de la troïka. Aujourd’hui, le FMI, hier « ami », est présenté comme obstacle à un accord que souhaiteraient désormais Junker, Hollande et Merkel, qui s’opposerait à Schäuble... Tsipras a répété le week-end dernier devant le comité central de Syriza que les lignes rouges fixées n’ont pas été dépassées. Certes, l’éventuel accord accorderait une partie des 7,2 milliards attendus, repoussant à l’automne les deux questions qui fâchent, retraites et droit du travail. En revanche, certaines mesures d’austérité (pour 5 milliards) seraient immédiates : TVA à 23 % sur tous les produits, pas de 13e mois pour les plus basses retraites, pas de hausse du Smic à 751 euros…On comprend donc que cette question ait été au centre des discussions du comité central de Syriza, avec en arrière-plan d’autres scénarios à ne pas exclure : s’il y a accord, les partis grecs de la troïka envisagent de l’approuver au Parlement, le Pasok indiquant que si cela devait se faire avec le soutien nécessaire de ses députés du fait de l’abstention d’une partie de ceux de Syriza, il demanderait alors le changement (possible du point de vue du droit) de Premier ministre… Plus que jamais, il faut donc choisir : soit le vote d’un accord guillotine par tous les députés de Syriza, ou la mobilisation de masse pour une politique de rupture.
Enjeux à gaucheDans Syriza, les critiques de la ligne Tsipras se font entendre, mais cela ne se traduit pas par une croissance numérique de l’opposition. Ainsi, la semaine dernière ; lors d’une initiative de R-Project, animé par DEA, une dirigeante de la Plateforme de gauche et l’économiste Milios ont réclamé une autre politique, mais tous l’on fait en référence au programme bien minimum dit de Thessalonique. Cette réunion ne rassemblait pas plus de monde que d’autres tenues précédemment par DEA, mais comme d’autres critiques se font entendre, la presse en parle davantage, espérant une scission entre la majorité « réaliste » du parti et sa gauche !La Plateforme de gauche a présenté au comité central de Syriza un texte demandant de suspendre le paiement dû au FMI pour ce mois de juin, texte qui a recueilli 75 voix (95 contre). Mais il n’était pas présenté comme contradictoire avec celui de la majorité. Pour les autres votes, les rapports de forces sont restés à peu près les mêmes que précédemment : 37 % pour la gauche.Aussi, « l’autre politique » ne doit pas être seulement réclamée, elle doit aussi se construire autour de mobilisations anti-austérité, comme la semaine dernière avec la grève des personnels hospitaliers exigeant dans la rue des moyens pour ce secteur à l’abandon, ou autour de campagnes comme celle de la dette. La gauche radicale et anticapitaliste (gauche de Syriza, Antarsya…) doit se rassembler au plus vite autour de tels objectifs, avec le soutien du mouvement ouvrier du reste de l’Europe.
D’Athènes, A. Sartzekis