Publié le Dimanche 11 octobre 2009 à 08h40.

Grève au rectorat de Guyane : 4 semaines pour une unité gagnante !

Interview de Liliane Atticot, porte-parole du mouvement des grévistes du rectorat de Guyanne.

Comment votre mouvement a-t-il commencé ?

L’année dernière, nous avons fait des investigations exhaustives auprès des établissements scolaires pour recenser les besoins et les personnels d’administration et d’intendance en poste. À cette occasion, nous avons constaté qu’il y avait énormément de personnes affectées dans les établissements ou au rectorat, sans financement. Il s’agissait de contractuels recrutés pour faire face aux besoins croissants de l’académie. L’Unsa-éducation a lancé un mouvement de deux jours de grève en juin pour dénoncer cette situation et demander la création des postes nécessaires. À l’issue de ce premier mouvement, le recteur nous a promis quinze postes supplémentaires à la rentrée pour pérenniser la situation de ces personnels doublement précaires : contractuels et sans support financier clair. Mais à la rentrée, la situation était catastrophique : on nous a annoncé que 25 personnes ne seraient pas réembauchées. En assemblée générale de rentrée, nous avons décidé de commencer un mouvement dur, non seulement par solidarité avec les personnes privées d’emploi mais aussi parce que la répartition de leur charge de travail allait dégrader considérablement nos conditions à tous et l’efficacité des services. 

Sur quelle revendication précise avez-vous commencé l’occupation du rectorat ?

Nous avons demandé le recrutement de 50 personnes. Ce n’était pas farfelu, comme nous a répondu le recteur, ni surréaliste, comme nous a répondu Luc Chatel. Pendant deux semaines nous nous sommes heurtés à la surdité du recteur qui non seulement ne voulait pas admettre la légitimité de nos revendications, mais refusait également la venue d’un médiateur du ministère derrière lequel il s’abritait pour justifier sa position. Nous avons alors demandé un soutien de l’ensemble de la communauté éducative et très rapidement, un large front unitaire s’est constitué autour de notre lutte. Le recteur a par la suite tenté de mettre fin à notre mouvement en nous assignant en justice pour entrave à la « liberté de travailler » puis en formulant des réquisitions qui se sont avérées parfaitement illégales. C’est la grève du jeudi 24 septembre, qui a débloqué la situation. Effrayé par l’ampleur de la mobilisation, le ministère a fini par céder et a envoyé un expert pour « évaluer nos besoins réels » pendant une semaine. 

Il y avait une majorité de femmes parmi les lycéens qui ont débrayé ce matin, et parmi vous...

C’est toujours comme ça en Guyane !

Peux-tu nous en dire plus sur le quotidien de votre mouvement ?

Il fallait gérer beaucoup de choses. Nous avons une équipe formidable. Mes collègues se sont montrés solidaires et déterminés dès le début du mouvement. Nous avons aussi bénéficié d’un large soutien populaire, à travers des dons en argent ou en denrées alimentaires. Ça faisait chaud au cœur. 

Comment expliques-tu ce soutien ?

Il s’agissait d’éviter des licenciements de fait et pas seulement de demander des postes alors que les besoins existent. L’enquête Seraca LOLF (Services académique) ne prend pas en compte les spécificités de la Guyane et pénalise d’une manière plus générale les petites académies.  Cette semaine, j’ai assisté à une réunion pour construire un Front pour l’avenir de la Guyane face à la hausse du prix de l’essence. Cet argent payé par la population va aller dans les poches de la Sara (NLDR: filiale de Total pour les Antilles et la Guyane). 

Comment expliques-tu le mépris du recteur à votre égard ?

Il a progressivement perdu la confiance de la plupart des responsables du rectorat. Il n’a pas compris que sans nous, il n’existait pas. Nous avons étés confortés par les conclusions de l’expert qui a dénoncé bon nombre d’irrégularités de fonctionnement que nous signalions depuis des mois.    

Vous reprenez le travail la tête haute ?

Ah oui ! Des collègues de métropole nous ont appelés pour nous demander comment nous avions fait pour gagner des postes. Nous avons aussi obtenu une programmation des recrutements sur laquelle nous resterons vigilants.  
Mais surtout l’acquis de cette lutte, c’est l’unité de l’ensemble des syndicats de l’éducation que nous attendions depuis longtemps.  

Chronologie de la lutte:

Lundi 7 septembre : début de la grève et de l’occupation par les administratifs et les intendants, à l’appel de l’Unsa et de la CGT-UTG.

Mardi 15 et 22 septembre : grèves initiées par trois syndicats enseignants (STEG-UTG, SGEN-CFDT et SUD ) qui permet de lier les différentes revendications.

Jeudi 24 septembre : grève de soutien appelée par une intersyndicale de l’éducation très large et par les associations de parents, de lycéens et d’étudiants avec manifestation

Jeudi 1eroctobre :grève à l’appel de l’intersyndicale plus réduite mais avec blocages d’établissements. Interventions de Lalsi, Taubira et de Karam sur le piquet de grève. Vote de la reprise du travail après un accord comprenant la création de 20 postes.