Article publié dans le n° 370 de solidaritéS (Suisse)
Depuis la déferlante du 14 juin 2019, le combat féministe ne s’est pas arrêté, les collectifs ont continué à s’organiser. La vague violette, certes moins grande, a tout de même su éclabousser le pays le 14 juin 2020.
l y a exactement un an, le mouvement de la Grève féministe en Suisse paralysait le pays en construisant pendant une année, sur les lieux de travail, de formation et de vie, des rapports de force qui ont débouché sur l’historique mobilisation du 14 juin 2019. Une mobilisation issue de la base et portée par des collectifs auto-organisés dans des quartiers, des écoles ou universités, mais aussi par des travailleuses dans certains secteurs.
Un an après, si peu a changé au niveau politique et dans la réalité concrète des femmes, des personnes transgenres et non-binaires ! Les revendications portées par les collectifs féministes ne se sont pas concrétisées par des avancées sociales matérielles, malgré une hausse du pourcentage d’élues au parlement. Mais un changement réel dans nos vies ne passera pas par Berne ou les instances fédérales. Le conseiller fédéral Berset nous l’a bien rappelé en proposant, quelques jours seulement après la Grève féministe de 2019, une élévation de l’âge de la retraite des femmes.
Alarme féministe : les femmes en première ligne
Les conséquences de la pandémie du Covid-19 ont touché de plein fouet les salariées et précaires, et ont révélé ce que le mouvement de la Grève féministe soulignait depuis ses débuts : le rôle indispensable du travail féminin et l’apport central de la reproduction sociale pour le fonctionnement de la société.
La pandémie a également visibilisé les inégalités systémiques au sein de la société. Que ce soit sur les lieux de travail ou les lieux de vie, les femmes ont été en première ligne face à la crise. Le débat public sur les activités dites essentielles et non-essentielles a mis en lumière les travailleuses qui, jusqu’à présent, étaient pour la plupart dans l’ombre : vendeuses, nettoyeuses, infirmières, travailleuses domestiques ou éducatrices. Or, non seulement ces femmes, pour la plupart des travailleuses extra-européennes et issues de l’immigration, ont vu se dégrader leurs conditions de travail. Mais, une fois à la maison, elles se sont retrouvées à devoir accomplir davantage de tâches domestiques, éducatives et de soin en raison notamment de la fermeture des écoles. À cela s’ajoute l’augmentation des violences sexistes dans le cadre de la famille.
Ne rien lâcher, continuer la lutte
Ce contexte de crise sociale, économique et sanitaire aurait pu empêcher la mobilisation prévue pour le 14 juin 2020 : il n’a fait que de renforcer la détermination du mouvement féministe en Suisse et consolider le sentiment de révolte. Ainsi, la Grève féministe a proposé un programme pour une sortie féministe de la crise avec des revendications élaborées à partir du manifeste de la grève féministe de l’an passé. Ces dernières ont porté majoritairement sur la revalorisation salariale et sociale des professions féminisées, la réduction du temps de travail, la mise au centre du care, l’investissement et l’accessibilité des services publics. Aux revendications sur la nécessaire lutte contre les violences sexistes et sexuelles s’est ajoutée celle en lien avec le contexte actuel, soit la lutte contre les violences policières et racistes.
Les actions organisées ce dimanche 14 juin ont rassemblé environ 1000 personnes à Neuchâtel, 3000 à Lausanne et 5000 à Genève. La mobilisation a pris différentes formes allant de la grève des tâches domestiques aux mobilisations de rue, en passant par des blocages des axes routiers et des interventions virtuelles.
L’avenir sera féministe ou ne sera pas
Grâce aux réseaux de collectifs qui se sont maintenus depuis l’an passé, la Grève féministe s’est coordonnée entre tous les cantons et a su se réinventer de façon créative. La colère féministe s’est faite entendre à travers tout le pays. De ce fait, ce 14 juin reste une mobilisation importante qui donne des perspectives de lutte prometteuses pour la rentrée, afin de faire face aux attaques du patronat et aux politiques néolibérales qui s’annoncent et dont les effets économiques se font déjà sentir (vagues de licenciements, faillites, exclusion sociale, exploitation des salarié·e·s ou encore hausse du chômage).
La radicalité du mouvement a été au rendez-vous et a prouvé sa capacité à se mobiliser, malgré le contexte de crise, avec des pistes de convergence avec d’autres mouvements sociaux.
« Nous ne voulons plus de l’ancien monde, mais le bien-être des 99% de la population et de l’environnement en mettant la vie au centre », tel est le message porté aujourd’hui par la Grève féministe !