Publié le Lundi 1 novembre 2010 à 10h56.

Guinée. Crise politique et sociale

Si le blocage du second tour des élections présidentielle est près d’être levé, cela ne change rien à la situation sociale déplorable des populations. Des heurts violents ont eu lieu entre partisans du libéral Cellou Dallein Diallo de l’UFDG et Alpha Condé dont le RPG est affilié à l’Internationale socialiste, arrivés en tête du premier tour des élections avec respectivement 43 et 18 % des voix. L’armée est de nouveau sortie de ses casernes et a commis exactions et violations des droits humains. En septembre 2009, la garde présidentielle et les milices du pouvoir avaient tué, blessé et violé des dizaines de personnes au stade de Conakry, capitale de la Guinée, où se tenait un rassemblement de l’opposition. À l’époque, Dadis Camara avait pris le pouvoir après la mort du dictateur Lansana Conté. Victime d’un attentat raté, diminué, il est alors envoyé en exil plus ou moins forcé au Burkina Faso. Sous la pression des chancelleries occidentales, le n° 2 de la junte, Sekouba Konaté, prend les rênes du pouvoir et organise des élections présidentielles, qui se sont tenues en juin 2010. Depuis, l’organisation du second tour était bloquée en l’absence de consensus sur la présidence de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), créant une situation tendue. À cela s’ajoute un résultat du premier tour laissant apparaître un vote essentiellement fondé sur l’ethnie, avec des dérapages de certains politiques sur la stigmatisation de telle ou telle communauté.Cellou Dallein Diallo, ancien Premier ministre du dictateur Lansana Conté, a un discours plus libéral qu’Alpha Condé qui, lui, est toujours resté dans l’opposition sans jamais céder aux sirènes du pouvoir. Il n’hésite cependant pas à s’allier à des ministres et caciques de Lansana Conté ou de Dadis Camara et ne remet nullement en cause le rôle de la Guinée comme simple fournisseur de matières premières aux trusts impérialistes. Une chose est sûre, aucun des deux candidats ne gêne le pouvoir français, pour qui seule compte la stabilité du pays. En effet, la Guinée a des frontières communes avec le Sierra Léone et le Liberia qui sortent avec difficulté de plus de dix ans de guerre civile et la Côte d’Ivoire, en crise depuis le début des années 2000 et dont le processus électoral est lui aussi difficile. La déstabilisation de la Guinée pourrait avoir un effet domino sur les autres pays. Le gouvernement français a donc mobilisé ses alliés, le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré et Abdou Diouf, en charge de l’Organisation internationale de la francophonie, pour trouver un président de la Ceni acceptable par les deux candidats. Ce rôle est finalement dévolu au Malien, le général Sangaré. Dans l’hypothèse où le second tour se passerait bien, les principaux problèmes de la Guinée demeureraient. Une armée peu disciplinée, divisée, encline à reprendre le pouvoir pour continuer à bénéficier de privilèges importants au regard des conditions de vie de la population, une corruption qui favorise les pillages économiques du pays au détriment du peuple. Mais cette situation n’est pas éternelle. La structuration et la puissance du mouvement syndical sont un point d’appui dans la recherche d’une alternative sur le terrain politique, autour de la construction d’une organisation qui se situe dans la lutte contre le capitalisme pour répondre aux besoins essentiels des Guinéens. L’enjeu des prochaines années est bien là. Paul Martial