Tremblement de terre, ouragan, défaillance de l’État et maintenant fraudes grotesques tiennent le devant de la scène haïtienne.Les éléctions-sélections, comme les appellent les Haïtiens, ne pouvaient dès le départ répondre aux enjeux qu’exige la situation depuis janvier dernier. Les dix-neuf candidats de l’élection présidentielle sont tous issus de l’oligarchie haïtienne formée dans les grandes écoles américaines ou françaises. Tous défendent les mêmes intérêts, ceux des investisseurs étrangers et de la bourgeoisie locale. Ces élections avaient une allure de Star Academy dès le départ avec la sélection de qui pouvait prétendre concourir à l’élection. Le parti « fas à fas » du chanteur Wycleaf Jean et le parti « Fanmi Lavalas » de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide ont été écartés par le conseil électoral alors qu’ils ne représentent pas une menace pour le système en place. Les Haïtiens se sont soulevés devant cette supercherie annoncée. Il y a déjà eu plus d’une dizaine de morts en une semaine d’affrontements entre les manifestants et la police de l’ONU. Car même si les États émettent des doutes sur le bon déroulement de ces élections, les déclarations sont frileuses comparées aux élections en Côte d’Ivoire. Ces élections ont été financées, organisées et donc cautionnées par l’aide internationale, dont la France, les États-Unis et le Canada composent le premier banc. Certains candidats ont pu disposer d’une manne financière indécente, comme Jude Célestin. Le candidat soutenu par le pouvoir a pu profiter d’un budget de 33 millions de dollars. Tandis que Mirlande Manigat profitait d’un budget de 2 à 4 millions de dollars, sommes colossales pour un pays comme Haïti. Alors que seulement 2 % de l’aide internationale sont parvenus en Haïti, les millions engouffrés dans ce simulacre de démocratie contrastent avec les camps de réfugiés toujours aussi nombreux et maintenant touchés par le choléra. Des affrontements opposent des bandes rivales partisanes des différents candidats, armées pour certaines par les mafias locales. Mais la majorité des manifestants se soulève surtout contre la mascarade des résultats annoncés et contre la Minustah qui occupe le pays depuis six ans sans que la situation ne s’améliore. La même Minustah sur qui pèse le soupçon d’avoir propagé le choléra de plus en plus confirmé par la communauté scientifique. Une crise agricole dans les campagnes s’ajoute au mécontentement général. L’import de riz américain a fait s’effondrer le cours local et ruiné les producteurs haïtiens. Les généreux dons de Monsanto ne sont qu’une manière fourbe de s’imposer aux paysans de l’île. Ces derniers se sont également révoltés et ont organisé des marches, durement réprimées, vers les principales villes du pays. La majeure partie des Haïtiens n’attendait donc rien de ces élections. Se nourrir et l’espoir de sortir un jour des camps de réfugiés sont leurs préoccupations. Cette échéance électorale n’a donné aucune illusion quant aux promesses des candidats de sortir le pays de ce marasme. Le seul espoir pour les Haïtiens reste cette auto-organisation née du tremblement de terre et qui s’exprime de plus en plus, malgré la violence proportionnelle des forces de police de l’État et de l’ONU. Thibault Blondin