Deux partis communistes ont subi un revers aux élections législatives indiennes, emportées par le Parti du Congrès.
En Inde, le Parti communiste des origines a donné naissance à trois composantes: le Parti communiste indien (PCI) pro-Moscou, le PC « marxiste » (PCI-M) « ni Moscou, ni Pékin » et les divers PCI « marxiste-léniniste » (PCI-ML) pro-chinois. Si les maoïstes représentent la référence dominante dans l’extrême gauche militante (encore pour une part armée), le PCI et le PCI-M (surtout) ont gardé une importante représentation parlementaire.
L’Inde est un Etat fédéral, où aucune formation politique n’a d’implantation homogène. Les PC peuvent gouverner certains Etats et être quasiment absent dans d’autres régions. Depuis 1977, le PCI-M a dirigé le Bengale occidental (capitale Calcutta, plus de 80 millions d’habitants), actuellement avec un Front de gauche. Il a aussi dirigé – mais une législature sur deux seulement – le Kerala (près de 35 millions d’habitants) dans le Sud-Ouest. Après les législatives de 2004, il pilotait, au niveau fédéral, le troisième groupe parlementaire (62 députés) et le Parti du congrès avait besoin de son soutien pour pouvoir gouverner.
Les PCI et PCI-M dirigent aussi les principaux syndicats de gauche (Aituc et Citu) – les plus grandes confédérations étant liées aux partis bourgeois (Congrès et BJP – la droite extrême, hindouiste) – et le parti« marxiste » annonce près de 1 million de membres. Via leurs organisations de masse, ils se sont engagés dans le processus du Forum social mondial et ont joué un rôle important (de concert avec d’autres composantes) dans l’organisation du forum de Bombay (Mumbai) en 2004. Ils n’en viennent pas moins de subir un sévère revers électoral.
Les députés fédéraux du PCI-M sont tombés de 43 à 16 et ceux du PCI de dix à quatre. Le recul est particulièrement net dans les bastions du Bengale occidental – où la gauche ne gagne que quinze sièges (dont neuf au PCI-M) au lieu de 35 en 2004 – et du Kerala (quatre sièges au PCI-M contre dix-neuf à la coalition de gauche en 2004). En Inde, la politique varie considérablement suivant les Etats, et les raisons de ces échecs ne sont pas partout les mêmes. Ainsi, au Kerala, l’image du PCI-M s’est beaucoup dégradée à cause d’une violente lutte de fraction interne.
Le PCI-M avait eu l’intelligence de ne pas entrer dans le gouvernement fédéral durant la précédente législature, soutenant le Congrès de l’extérieur et gardant ainsi une certaine liberté d’action. Il a ainsi pu mener des batailles politiques contre la signature des accords nucléaires entre New Delhi et Washington, ou contre certaines des mesures de libéralisation économique. Cependant, la crise a éclaté dans sa place forte du Bengale occidental, après plusieurs décennies de pouvoir continu et la corruption qui l’accompagne. Le gouvernement du Front de gauche a voulu s’ouvrir à la mondialisation en ouvrant des zones industrielles franches, chassant de leurs terres les paysans. Le PCI-M bénéficiait d’un important appui populaire dans les campagnes mais, cette fois, à Singur et Nandigram, il s’est heurté à de violentes résistances rurales. Il y a répondu par une répression très brutale, parfois sauvage. Cela a créé un véritable fossé de sang entre ce parti et d’autres composantes progressistes indiennes qui ont soutenu les paysans.
Les élections concernaient l’Assemblée fédérale (Lok Sabha) et on verra si les évolutions en cours se confirment lors du renouvellement des assemblées d’Etat. Mais la défaite des PCI/PCI-M n’est pas qu’électorale. Elle reflète, au moins dans certaines régions, une rupture des liens entretenus avec leur base sociale, et représente probablement un tournant historique pour la gauche indienne. Après l’affaissement de Refondation en Italie et les compromissions du PC en Afrique du Sud, la crise du PCI-M annoncerait alors le déclin de l’un des derniers (du dernier ?) des grands partis communistes « traditionnels ».