Publié le Samedi 1 mai 2010 à 11h14.

Interview de Taoufik Ben Brik

Joint par téléphone dès sa sortie de la prison de Siliana, mardi 27 avril au matin, Taoufik Ben Brik, entouré des siens, a bien voulu nous confier ses premières réactions. L'écrivain journaliste dissident, opposant au régime de Ben Ali, a purgé la totalité d'une peine de six mois après un procès monté de toutes pièces, victime de l'arbitraire en raison de ses écrits satiriques très critiques sur le régime tunisien, parus dans des médias français. « Je me sens en pleine forme ; ils n'ont pas réussi à entamer ma combativité, même si la détention a été très dure. » Il n'en dira pas plus sur les conditions de son incarcération. « Malgré le caractère politique de ma condamnation, j'ai été traité comme un prisonnier de droit commun ; mais le plus difficile, c'est d'avoir été privé non seulement de liberté, mais aussi de stylo, de papier et de livre. Isolé, enfermé, toute forme de communication verrouillée. Même avec mes codétenus, intentionnellement sélectionnés, collectés pour leur analphabétisme. J'avais le sentiment d'être interné dans un asile psychiatrique. On a voulu m'abattre psychologiquement. On m’a parfois interdit de voir mon avocat. Mon droit de visite n'a pas été respecté, et ce n'est que par les quelques contacts avec ma famille que j'ai appris la mobilisation et l'élan de solidarité autour de moi.» Interrogé sur ses projets immédiats, il déclare : « J'espère venir à Paris début mai, s'ils me laissent sortir. Je tiens à remercier tous ceux qui m'ont soutenu et à fêter tous ensemble la journée internationale de la liberté de la presse. » Et quand on lui demande s'il a conscience d'être emblématique, il répond dans un mélange de colère et de fatalisme : « Ce que j'ai subi, c'est le lot quotidien des journalistes indépendants en Tunisie. Ben Ali veut nous réduire au silence. Je suis un homme libre, et c'est cette liberté de pensée qu'on a voulu me faire payer. » Taoufik compte relater cette expérience éprouvante dans un livre en préparation sur la terrible prison de Siliana.Puis, retrouvant ce lyrisme et cette détermination qu'on lui connaît, c'est par ces paroles qu'il conclut l'entretien : « Ils ont les prisons, ils ont les flingues, mais nous, nous avons le Kalam, le crayon avec lequel ont écrit tous les grands poètes. »Propos recueillis par Gisèle Felhendler