Publié le Lundi 18 juillet 2016 à 11h49.

Irak : Quand cessera l’impunité des apprentis sorciers ?

Dans la nuit du samedi 2 au dimanche 3 juillet, l’attentat le plus meurtrier de ces dernières années a fait près de 300 morts à Bagdad. Face au chaos régnant dans ce pays symbole de l’interventionnisme occidental, la population demande des comptes à ses dirigeants. Au même moment, le rapport Chilcot tire un bilan cinglant de l’aventurisme de Tony Blair au côté de Georges Bush en 2003.

L’attentat a été perpétré au moyen d’un camion frigorifique bourré d’explosifs dans le quartier central et commercial de Karada, à un moment de grande affluence, pour la rupture du jeûne du Ramadan. L’explosion a été terrible, détruisant des immeubles entiers et créant un gigantesque incendie, le nombre de victimes restant probablement incomplet. Revendiqué par l’État islamique (EI), l’attentat a montré que cette organisation est loin d’être abattue malgré l’important revers qu’a constitué pour elle la chute de Falloudja.

Cette ville était la pointe avancée de l’action de l’EI vers la capitale irakienne toute proche, mais tous les experts s’accordent sur le fait que l’organisation a une présence significative dans Bagdad même. L’EI est déterminée à creuser le conflit interreligieux et sectaire entre sunnites et chiites, réanimé par les puissances mondiales et régionales à la suite de Saddam Hussein. Ainsi, de nouveau dans la nuit du jeudi 7 au vendredi 8 juillet, des combattants de l’EI ont attaqué à Balad au nord de Bagdad un mausolée chiite, ainsi que le marché adjacent faisant 30 morts.

La population révoltée

Face à ces actes de guerre contre des civils, la population irakienne manifeste toujours plus sa révolte. Après l’attentat, elle a conspué l’équipe du Premier ministre Haider-al-Abadi, qui comme celle de son prédécesseur Nouri Al-Maliki est totalement incompétente, reposant sur un partage des prébendes entre partis communautaristes dirigés par des affairistes sans base locale.

Pendant ce temps, les parrains étatsuniens et iraniens rivalisent de savoir-faire dans l’ingérence corruptrice et boute-au-feu. Il y a quelques semaines, un cortège populaire a même occupé le Parlement avec l’aide des miliciens de l’imam chiite Moktada al-Sadr, qui apparaît comme plus intègre et réunificateur que les autres forces politiques. Y compris dans les régions autonomes kurdes, la population proteste contre les turpitudes de dirigeants qui prétendent impulser un « miracle » économique régional, mais sont maintenant incapables de  payer les salaires des fonctionnaires avec la chute du prix du pétrole.

Qui a semé le chaos ?

En Europe et aux USA, nos dirigeants politiques et médiatiques se félicitent de l’avancée des offensives militaires dans les régions contrôlées par l’EI, comme si cela rattrapait les précédentes interventions militaires impérialistes dans la région, maintenant évoquées avec gêne. En revanche, les massacres de civils au Moyen-Orient ne semblent pas mériter l’illumination de la tour Eiffel ou autre acte de solidarité symbolique, comme si la violence était inscrite dans les gènes de ces peuples, à la différence des autres…

Alors, nous devons rappeler que la violence de Saddam Hussein a été encouragée pendant des années par les dirigeants politiques des USA, de l’Angleterre et de la France ; que l’invasion américano-britannique en Irak en 2003 est la grande responsable de la destruction de ce pays, de l’avortement de sa reconstruction dans le pillage et dans des institutions confessionnalisées, à la base de l’apparition de l’EI et de la violence sans fin dans laquelle le peuple irakien est abandonné.

Condamner les fauteurs de guerre

Avec l’impunité accordée aux exactions des milices chiites sous contrôle iranien censées combattre l’EI, on a la certitude que les racines de nouvelles guerres sont replantées. De même que l’impunité de plus en plus clairement accordée en Syrie à Assad par la convergence des intérêts occidentaux et russes, fera rejaillir des clones de Daesh.

C’est pourquoi le rapport de la commission d’enquête britannique Chilcot, malgré tous les freins qui lui ont été mis, est une première leçon de choses prouvant que Tony Blair a engagé son pays dans une aventure désastreuse (deux millions de morts irakiens, plusieurs centaines de morts anglais et étatsuniens en 2003, sans parler des effets actuels), cela sous de faux prétextes (les armes de destruction massive de Saddam, sa complicité dans les attentats de New York, dans les deux cas inexistantes).

Une telle démonstration devrait être poursuivie en vue de mettre en accusation des dirigeants politiques fauteurs de guerres pour leurs intérêts économiques et politiciens, mais sourds à la solidarité avec les sociétés civiles. Bush, Blair, Barroso et quelques autres sont bien des criminels contre l’humanité, qui devraient être jugés et condamnés !

Jacques Babel